MARS / ARÈS : La Guerre

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Après la planète bleue, voici la planète rouge ! Entièrement habitée par des robots (un petit nombre, et à l’heure actuelle de nos connaissances !), Mars continue de faire rêver et déchaîne les passions de la conquête spatiale.

Le dieu de la Guerre est un dieu destructeur, le plus souvent occupé à se battre et à combattre. C’est le dieu rouge, couleur de la colère, de la violence et surtout du sang. La quatrième planète en partant du Soleil apparaît rouge dans le ciel, c’est ce qui explique qu’on lui ait donné le nom de ce dieu sanguinaire. 

Arès

Arès est mal aimé de ses parents, Zeus et Héra qui, d’ailleurs n’ont guère mieux réussi leur deuxième enfant, Héphaïstos (Vulcain pour les Romains) : lors d’une dispute, son père le jette du haut du Mont Olympe, le rendant boiteux et difforme, ce qui ne l’empêchera pas d’épouser la plus belle et la plus aimable des déesses, Aphrodite ! Le rôle de Zeus étant d’instaurer ou de rétablir l’ordre, l’harmonie et la justice, comment pourrait-il aimer Arès, ce fils violent, désordonné, dépourvu de toute notion de justice ? Cela va à l’encontre de son projet. Quant à Héphaïstos, le seul dieu qui ne soit pas d’une beauté parfaite, il se retrouve dans les entrailles de la Terre à travailler le fer et le feu. 

Héphaïstos – Peter Paul Rubens

Arès n’a jamais été très populaire auprès des Grecs, contrairement à son homologue, Mars, que les Romains conquérants ont adoré, adulé, honoré, au point de donner son nom à un jour de la semaine, mardi (Martis dies), comme c’est le cas pour les autres jours. Mais en plus ils ont attribué son nom au troisième mois de l’année qui, pour eux, était le premier. L’année commençait alors en mars, ce qui explique aussi le nom des mois de septembre, le septième (alors qu’aujourd’hui c’est le neuvième), octobre, le huitième, etc. Et le Champ de Mars, à Rome comme à Paris, est l’espace dédié aux manœuvres des soldats.

Pour revenir à Arès, mal aimé des Grecs il apparaît très peu dans les histoires de leur mythologie. Trop impétueux, il n’est ni intelligent, ni esthète. C’est une brute sanguinaire qui aime avant tout le massacre. On comprend qu’ils lui préfèrent Athéna (Minerve), également déesse de la guerre, mais aussi déesse de l’intelligence, ce qui la rend plus puissante ! A la différence de son demi-frère, la fille préférée de Zeus aborde les conflits avec finesse ou même si nécessaire avec ruse. Elle symbolise la guerre réfléchie, stratégique, alors qu’Arès est la guerre brutale, aveugle.

Athèna

Arès engendre une progéniture peu recommandable. Il est d’abord le père des Amazones, un peuple de guerrières intraitables qui vivent de pillages. A l’image de leur père, elles aiment avant tout la violence et la destruction et, afin de pouvoir se servir de leur arc sans être gênées, elles se compriment (ou se mutilent ?) le sein droit dès leur enfance. Elles n’acceptent la présence des hommes qu’une fois par an, choisissant les guerriers les plus vaillants et les plus beaux pour s’unir à eux et procréer avant de les tuer. Les garçons qu’elles mettent au monde resteront au foyer et serviront d’esclaves, les filles seront éduquées pour devenir des guerrières. C’est le monde à l’envers et non pas l’harmonie voulue par Zeus. 

Dessin : Patrick Coulon

Arès eut bien d’autres rejetons : certes, il est le terrible dieu de la Guerre, mais c’est aussi un bel athlète, grand et musclé. Même Aphrodite est séduite par sa prestance et elle en fait son amant… parmi d’autres ! Elle parvient à désarmer Arès, au sens propre comme au sens figuré, pour le conserver auprès d’elle : L’Amour vainqueur de la Guerre ? Make love not war !

Avec Hermès, Aphrodite avait conçu un fils/fille, l’aimable Hermaphrodite ( = Hermès + Aphrodite). Avec Arès en revanche, elle va enfanter deux êtres détestables qui affecteront beaucoup les mortels, au point de leur faire perdre parfois la raison : il s’agit de Phobos, la Peur et Deimos, la Terreur. Ils accompagnent leur père sur les champs de bataille et suscitent la lâcheté qui pousse les combattants à s’enfuir. Encore et toujours du désordre !

Mais un jour, Arès passe quand même en jugement pour avoir commis un meurtre : quand il aperçoit Halirrhotios qui essaye de violer sa fille Alcippé, il descend de l’Olympe et massacre le jeune homme. Or celui-ci est le fils du dieu de la Mer, Poséidon, qui aussitôt porte plainte auprès de Zeus. Les dieux olympiens se réunissent sur une colline (pagos en grec) pour juger Arès (Aréios) : ce sera l’Aréopage, nom donné à une colline d’Athènes où, durant la démocratie, se réunissaient neuf sages qui jouaient un rôle pondérateur, à la fois politique et judiciaire. Aujourd’hui, le terme d’aréopage désigne un groupe de personnages importants chargés de décider, de juger, dans quelque domaine que ce soit. En France le Conseil d’Etat ???

Finalement, malgré les protestations de Poséidon, le tribunal olympien acquitte le dieu de la Guerre. Évidemment ! 

NASA

En chiffres :

  • Distance au soleil : 230 millions de km
  • Diamètre : 6 800 km, soit 53 % de celui de la Terre
  • Vitesse orbitale : 24 km/seconde
  • Durée de la révolution : 687 jours, soit 23 mois
  • Durée de la rotation : 24,6 heures, à peine plus que la Terre
  • Température au sol : de – 123°C à 37°C
  • Noyau de fer liquide de 3 600 km de diamètre, selon les données obtenues par le sismomètre SEIS 
  • Deux minuscules satellites naturels : Phobos et Déimos découverts en 1877 

Autant le dieu Arès est très peu présent dans les histoires de la mythologie grecque, autant la planète Mars est l’objet de toutes les attentions depuis que Galilée a tourné sa lunette vers le ciel, même si celui-ci avoue ne pas voir grand-chose sinon une petite tache rougeâtre et préfère observer Vénus et Jupiter. Les premiers croquis de Mars sont ceux de Huygens en 1659 et de Cassini en 1666. Le premier donne une estimation de la taille et le second détermine la durée du jour martien (24h40mn) et découvre les calottes polaires. 

Il faut attendre un siècle pour que, en 1777,  William Herschel construise un télescope avec lequel il observe assidûment Mars et note : les calottes polaires évoluent au fil du temps ; la surface de la planète change d’aspect ; l’angle de son axe de rotation est proche de celui de la Terre. Il conclut à l’existence de saisons sur la base de ses observations qui, toutes, s’avéreront exactes ! Mais l’imagination des hommes va se mêler de les interpréter. 

Un demi-siècle encore et, les instruments d’optique s’améliorant, on découvre de nombreux détails mais on les interprète à l’aune de ce que l’on croit : une planète habitable voire même habitée, couverte de végétation, avec des fleuves, des mers, des îles… Finalement, quand en 1877 Giovanni Schiaparelli dresse une carte détaillée de Mars, les imaginations s’emballent : on y distingue nettement des sillons rectilignes que l’astronome appelle « canali », i.e. des chenaux naturels. Mais ce terme est traduit par « canaux » et donc regardés comme des objets artificiels, fabriqués ! Comment dès lors ne pas croire à une civilisation, à des Martiens qui drainent l’eau des pôles vers l’équateur ? Cette idée se répand rapidement et devient très populaire. 

Les instruments continuent de se perfectionner et on y voit plus clair. Ainsi au tout début du XXe siècle, on peut rectifier certaines erreurs d’interprétation : non, il n’y a pas de mers sur Mars ; non, il n’y a pas de canaux ; non, les changements d’aspect et de coloration ne sont pas les effets du travail des petits hommes verts, mais ils sont dûs à des tempêtes de poussière. En revanche, on croit toujours à une végétation martienne : encore en 1957, William Sinton affirme avoir détecté des signes incontestables de végétation sur Mars !

Mais en moins de dix ans, tous les rêves, tous les fantasmes vont s’écrouler : en 1965, la sonde américaine Mariner 4 survole Mars et envoie des images semblables à celles de la Lune ! Des photos d’un monde inerte, sans aucune végétation, couvert de poussière et de cratères… Pendant les décennies suivantes, avec les progrès techniques et l’envoi de dizaines de sondes puis de rovers et de robots, les connaissances sur cet astre vont se multiplier, générant de nombreuses déconvenues. 

Mariner 4 – NASA

Et pourtant… l’homme ne se décourage pas et continue les recherches. Etant rêveur et curieux par essence, il se pose de nouvelles questions : s’il n’y a pas d’eau sur Mars, ce que l’on voit ce sont bien des traces laissées par de l’eau disparue ? Ne pourrait-on pas en trouver profondément enfouie dans le sous-sol ? Et le rêveur-curieux-aventurier de se demander : pourquoi l’homme n’irait-il pas sur Mars ? Ou même s’y installer ? La conquête de l’espace ! Une utopie ? Ou bien un rêve en train de se réaliser ? Mais ceci est une autre histoire. 

Revenons à ce que nous connaissons aujourd’hui avec certitude. Mars est la quatrième planète tellurique, de petite taille : à peine plus de la moitié du diamètre de la Terre, un sixième de son volume et un dixième de sa masse. C’est d’ailleurs sa petitesse qui l’a empêchée de conserver son atmosphère dense originelle soufflée par les vents solaires. Il ne reste qu’une atmosphère très ténue, ce qui explique les nombreux échecs d’atterrissage des sondes ainsi que, en partie, les écarts de température importants.  Elle est composée à 96 % de dioxyde de carbone (CO2) et de beaucoup de poussières provenant du sol, soulevées par des tourbillons et même par de violentes tempêtes lorsque Mars est au plus proche du Soleil. Pas vraiment respirable. 

Une bonne nouvelle ? La pression à la surface de cette planète étant de seulement 0,008 bars, on ne risque pas d’être écrasé par son propre poids, comme c’est le cas sur Vénus. Et la force de gravité de Mars étant égale à seulement 38% de celle exercée par la Terre, on y est beaucoup plus léger ! 50 kg ici ? 19 kg là-haut ! Ah pardon ! Vous dites 80 ? 90 ? 100 kg sur terre ? 38 kg seulement sur Mars ! 

De nombreuses sondes ont survolé la planète rouge, permettant de la cartographier avec toujours plus de précision et de se rendre compte que son relief était très différent dans les deux hémisphères. Tandis que l’hémisphère nord est constitué de vastes étendues plates, des plaines avec très peu de cratères, le relief de l’hémisphère sud est très accidenté : anciens glaciers, dunes, montagnes, vallées, lits de fleuves asséchés, canyons dont le plus long, Valles Marineris, mesure 4 500 km de long (la distance New York – Los Angeles !) pour 7 km de profondeur. En plus de ces formations dont on retrouve l’équivalent sur Terre, l’hémisphère austral est marqué de nombreux cratères d’impact de météorites auxquels on a attribué les noms des premiers découvreurs de Mars : Huygens, Cassini, Herschel et à l’un des plus gros (458 km de diamètre) le nom de Schiaparelli. On devait bien cela à l’astronome qui a fait rêver plusieurs générations avec ses « canali » !

Valles Marineris

Sur Mars, le volcanisme a été très actif par le passé. Dans la partie sud, on trouve des volcans géants comme ceux des Monts Tharsis et surtout le célèbre Olympus Mons qui culmine à 21 287m (À noter que l’altitude sur Mars est une convention). Et même, par rapport aux basses plaines environnantes, il s’élève à 22 500m et s’étale sur une superficie de 600km de large qui couvrirait une grande partie de la France. Quant à son sommet, il s’est effondré en formant une caldeira de 80 km de diamètre ! C’est bien le plus grand volcan et le plus haut sommet découvert à ce jour dans tout le système solaire. 

Olympus Mons (crédits Martian fandom)

Comme Herschel l’avait déjà noté au XVIIIe siècle, Mars est inclinée sur son axe de rotation, formant un angle de 25,2° semblable à celui de la Terre (23,5°), ce qui a pour conséquence l’existence de quatre saisons. Mais du fait que la révolution martienne dure presque deux ans, les saisons y sont deux fois plus longues ; et du fait que son orbite est très allongée, on remarque une grande asymétrie saisonnière avec d’importants écarts de température. C’est pourquoi la surface des calottes polaires augmente considérablement en hiver et se réduit d’autant en été. Lorsqu’elles fondent ou plutôt se subliment (passage direct de l’état solide à l’état gazeux), elles libèrent de grandes quantités de CO2 qui se solidifie à nouveau en hiver. 

Une curiosité pour finir ? Les vents saisonniers provoquent des tempêtes de sable parfois planétaires. Toute la planète se retrouve alors enveloppée dans un épais nuage. Les poussières les plus fines restent en suspension dans la faible atmosphère martienne et sont à l’origine de la couleur rose orangé du ciel. Chargées en oxyde de fer, ces poussières diffusent principalement la couleur rouge, contrairement aux molécules d’oxygène et d’azote de l’atmosphère terrestre qui diffusent plus le bleu, d’où la couleur de notre ciel. Mais au coucher du Soleil, la couche d’atmosphère traversée par la lumière est plus importante. Sur Terre, le bleu et le vert sont alors dispersés dans toutes les directions, seuls le rouge et l’orange parviennent dans notre ligne de visée à l’horizon ouest : le Soleil est rouge. 

Wikipedia

Mais sur Mars, c’est le contraire ! La poussière extrêmement fine diffuse trop le rouge et le jaune dans toutes les directions pour que notre œil puisse les percevoir. En revanche, elle laisse passer la lumière bleue. Résultat ? Quand il est bas sur l’horizon, le Soleil sur Mars apparaît bleu et le ciel du couchant prend une teinte bleu pâle !

Si ce n’est pas le monde à l’envers, c’est le ciel à l’envers !

Marie-Hélène