Apollo 12 (2ème partie)
PUBLIÉ DANS RÉCITS > ASTRONAUTIQUE
Allez, il faut maintenant se préparer à alunir ! Le 19 Novembre 1969, Conrad et Bean se glissent dans le LM « Intrepid » et Gordon n’est pas du tout tranquille à l’idée de voir ses deux amis partir.
Connaissant les risques qu’encourent ses amis, il leur lance : « Rapportez-moi vite quelques pierres, les gars. ». Conrad lui décoche un clin d’œil en refermant le sas : »A demain Dickie-Dickie. »
La descente du LM commence et Gordon, comme Collins avant lui, devient l’homme le plus seul qui puisse être.
David Scott (commandant de réserve de la mission) a fait placer un poster de miss novembre du magazine playboy (première pin-up papier en orbite lunaire) dans les affaires de Gordon !
Glisser des photos de filles dénudées dans les affaires de leurs collègues deviendra un véritable sport national chez les astronautes. Nous comprendrons aisément le pouvoir relaxant de ces photos dans l’engagement à de telles missions. Didier (l’auteur de ces lignes) a d’autres informations à ce sujet, mais après tout, vous pouvez, vous aussi, chers amis lecteurs revenir vers lui pour qu’il vous dévoile quelques confidences !
Pete Conrad aux commandes du LM ne dit mot et son gentil camarade Al Bean, cherchant à se rassurer lui-même, le bombarde d’encouragements telle une mère bienveillante pour son enfant : « Vas-y Pete ! Très bien ! Tu te débrouilles comme un chef, Pete, tu as largement assez de carburant, Pete ! Tout va bien Pete ! ». Et ainsi de suite, pratiquement sans discontinuer !
Conrad avait inquiété Bean quelques minutes auparavant avec son franc parler lorsque Houston venait de lui donner le feu vert de la descente : « Qu’est-ce qu’on fait si on ne reconnaît pas le site d’alunissage ? ».
Mais c’est un des principaux souhaits de la Nasa de réussir un alunissage de précision par une manœuvre délicate (le fameux Pinpoint Landing tant attendu de la Nasa). Il faut absolument se poser tout près de la sonde Surveyor 3 qui repose sur la lune depuis 2 ans et demi.
Concentré, déterminé à montrer une nouvelle fois ses talents de pilote, Conrad, a ensuite cherché à diriger son LM aussi précisément que possible. Le LM possède son AGC (APOLLO GUIDANCE COMPUTER), l’ordinateur de bord qui permet de se diriger soit vers le lieu d’alunissage programmé soit vers le CSM. Rappelez-vous l’erreur d’Aldrin lorsqu’il a laissé programmé à la fois le site d’alunissage et le CSM ; ce qui a provoqué la surcharge d’informations de l’AGC du LM d’Apollo 11 et comme conséquence l’alarme 1202 ! Lire APOLLO 11 – Deuxième partie.
Un système simple mais ingénieux permet au commandant d’intervenir pour corriger la descente.
Grâce à des lignes (pas visibles sur la photo ci-dessous) graduées horizontales et verticales peintes sur le hublot gauche, le commandant peut quantifier exactement l’écart entre la trajectoire théorique et la trajectoire réelle, pour donner ensuite le nombre d’impulsions de correction requises à l’aide de son manche de contrôle (l’ancêtre du sidestick que l’on trouvera plus tard sur la navette spatiale).
Le commandant se place à gauche et le pilote à droite, tous deux debout. Remarquez l’écoutille en bas qui permet l’entrée et la sortie des astronautes sur la lune. On peut remarquer le sidestick jaune blanchâtre, à droite des deux tubes de tailles égales de couleur jaune-orangée (poignées verticales de saisie manuelle des astronautes).
Conrad laisse à Bean le soin de surveiller les instruments, tandis qu’il cherche péniblement son site d’atterrissage par le hublot. Soudain, son premier point de repère lui apparaît : le cratère « Snowman ». « Putain ! » (oui les astronautes lancent des injures !), « on est pile sur la bonne trajectoire ! ».
300 mètres d’altitude : l’autopilote est déclenché, le LM vire brusquement à gauche pour éviter un terrain trop rocailleux, puis à nouveau à droite, ce qui, vous l’aurez compris, rend Bean très inquiet !
Finalement, le sol n’est plus visible plus tôt que prévu à cause de la poussière soulevée par l’engin. Les derniers mètres de la descente s’effectuent sans visibilité et Al Bean s’exclame enfin : « Lumière de contact ».
le 19 novembre 1969, pour la seconde fois, des hommes viennent se poser sur la lune. Le plus remarquable, c’est qu’ils devaient se poser à 400 mètres de la sonde Surveyor 3, mais « Pete » a fait mieux : ils ne sont qu’à 183 mètres de la sonde après un voyage de presque un demi million de kilomètres.
La sonde sera partiellement recouverte par la poussière soulevée par la tuyère du LM. L’alunissage de précision est désormais maîtrisé par la NASA (Pinpoint Landing). Une grande première de la NASA !
Quelques heures plus tard, Conrad sort et en sautant du dernier échelon, s’écrie : « Youpi ! Oh là là ! C’était peut-être un petit pas pour Neil, mais c’est sacrément haut pour moi ! »…
Il avait préparé cette blague sur sa petite taille. Vous vous souvenez, lors de l’introduction de cette mission, Didier vous avait dit que « Pete » regardait les premiers pas d’Armstrong en compagnie de la célèbre journaliste Oriana Fallaci ! Elle soutenait mordicus que la célèbre phrase d’Armstrong avait été rédigée par la Nasa ! Pour lui prouver que les astronautes avaient toute liberté de dire ce qu’ils voulaient, Pete a parié 500 dollars qu’il prononcerait cette petite phrase. Pari tenu !
Bean quitte le LM vingt minutes après son commandant pour une première EVA (sortie extra véhiculaire). Tandis qu’il descend les échelons, l’éclatante lumière du soleil, la sensation de légèreté, la Terre suspendue comme par miracle dans le ciel d’encre, tout lui semble à la fois familier et hors du monde. C’est une véritable expérience mystique pour lui, comme si, dira-t-il plus tard, il pouvait sentir l’amour du créateur (ce qui le trouble d’autant plus qu’il n’est pas du tout religieux…..).
Durant ce moment de saisissement, il dirige par mégarde sa caméra de télévision couleur directement vers le soleil, ce qui la grille irrémédiablement (cela restera plus tard son plus grand regret).
Conrad est joyeux et fait son show, sur les enregistrements, on n’entend que lui ; il blague avec Bean, il se murmure à lui même ses réflexions, soit il rit. Pour faire simple, ils s’émerveillent du paysage et de leurs déplacements aisés.
Frappés par la proximité de l’horizon, Conrad a l’impression de se tenir debout sur un ballon géant. A y regarder de près, le sol sableux semble clignoter de mille scintillements bleus et verts comme s’il était constitué de verre pulvérisé. Bean, compensant un peu la perte de sa caméra par ses talents d’artiste, décrit avec une grande précision la surface lunaire.
On lui confiera plus tard (et il en sera très fier) que ses observations trouvant les mots justes pour chaque couleur, chaque teinte et chaque texture ont été très précieuses.
Cette nature très particulière du sol a attiré les géologues ; « poussière » ou « sable » sont des termes trompeurs et le mot correct est « régolithe ». Sur Terre, les grains de sable et de poussière (ces roches réduites en poudre) sont soumis à l’action de l’atmosphère, usés, roulés les uns contre les autres par la pluie, le vent, les rivières. Ils sont émoussés, arrondis et c’est pourquoi le sable sec s’écoule sans heurts, presque comme un liquide. C’est différent sur la Lune : la régolithe est exclusivement le résultat du pilonnage météoritique constant subi par notre satellite. Ce sont des éclats de roche brisée encore et encore par des impacts répétés pendant des milliards d’années ; c’est ce qui explique ce comportement de verre pilé très fin à la lumière du soleil. Cela signifie que les grains sont irréguliers, découpés et ont tendance à s’accrocher les uns aux autres.
Mais ce n’est pas tout, les premiers millimètres exposés aux rigueurs du vide spatial reçoivent du soleil d’importantes quantités d’ultraviolets durs qui ont la propriété d’arracher des électrons à la matière et d’électriser légèrement le régolithe (vous comprenez maintenant pourquoi il est extrêmement difficile aux astronautes de s’en débarrasser !). C’est très « collant ». Les astronautes l’ont décrite comme du talc ou de la neige poudreuse et ce « sable » est extrêmement salissant.
Les normes terrestres ne s’appliquent pas forcément sur la lune et pour preuve cette photo ci-dessus ! Les magazines « Paris-Match » et « Life » avaient fait la une en 1969 avec cette photo d’Al Bean vu de dos sur la lune, mais les journalistes durent « retoucher » cette photo car l’original (celle que présente ici), représentait un phénomène mystérieux que l’on n’est pas sûr de comprendre encore aujourd’hui : l’astronaute semble baigner dans un magnifique halo luminescent bleu.
L’auteur de la source utilisée pour la rédaction d’une partie de cet article en a discuté avec Bean, qui lui a affirmé que ce halo étrange était apparu lors des développements des photos ! Ni lui ni Conrad n’avaient rien vu de tel. Peut-être un effet d’ionisation de l’oxygène fuyant légèrement du scaphandre de Bean (l’œil humain est peut-être moins sensible aux longueurs d’onde de cette lumière que la pellicule ?). La lumière vive de la combinaison blanche aurait pu être diffusée par les envahissantes poussières lunaires collées sur la lentille de l’objectif photo. Mais alors pourquoi seul l’objet au milieu de l’image présente ce halo ?
Là, c’est pour les astrophotographes de l’Asat ! Cette anomalie, repérée, à des degrés divers sur une cinquantaine de photos d’affilée, serait dû à de la poussière se trouvant non pas sur la lentille mais à l’intérieur de l’appareil, très près du plan focal. Elle se serait infiltrée momentanément au moment d’un changement de pellicule et se serait collée à la plaque réticulée en plexiglas (celle qui projette sur la pellicule le fameux réseau de croix qu’on observe sur toutes les photos du programme Apollo).
Petite remarque encore : la surface lunaire n’est pas soumise à la « déségrégation » comme sur terre. Chez nous, l’eau des rivières et le vent emportent les cailloux, les graviers, le sable et la poussière et les redéposent plus ou moins loin selon leurs poids. Ce « tri automatique » des grains selon leur taille n’a pas lieu sur la lune et c’est pourquoi il y a de la poussière très fine partout… partout !
On peut facilement en déduire que la présence de toutes ces petites étrangetés (auxquelles personne n’avait pensé avant) comme la proximité de l’horizon, la forme des reliefs, les propriétés mécaniques et électriques du régolithe, et même ces drôles de phénomènes lumineux… tout cela constitue bien la preuve qu’elles ont été faites dans un monde jusque là inconnu !
Cette première EVA (Extravehicular Activity) dure quatre heures, et Conrad repère tout de suite la sonde Surveyor 3. Il ramasse illico presto des échantillons de roche au cas où il faudrait décoller en catastrophe, et remarque cette couche de fine poussière beaucoup plus épaisse que prévu.
On installe la version complète de l’ALSEP, Apollo Lunar Surface Experiments Package (Apollo 11, c’était incomplet).
On les installe à 130 mètres du LM, tout ceci afin que lors du décollage, l’instrumentation ne soit pas recouverte par le souffle du moteur. Les appareillages sont alimentés par un RTG, un générateur thermoélectrique à Radioisotope (Radioisotope Thermoelectric Generator).
Des roches donc, seront récoltées au nord du cratère HEAD, puis en continuant vers le cratère Middle Crescent (à presque 300 mètres du LM) des basaltes sont ramassés qui sont différents de ceux d’Apollo 11 (ils sont plus jeunes et moins riches en titane) ; 3,2 milliards d’années (GA) au lieu de 3,85 Ga en moyenne.
Voilà, notre première EVA touche à sa fin et nos marcheurs lunaires (3ème et 4ème homme à marcher sur la Lune) vont regagner le LM Intrepid pour un repos bien mérité. Au cours de leur retour à pied, Bean fait une chute sans gravité et Conrad l’aide à se relever. 6 heures d’oxygène sont prévues par le PLSS, mais pour des questions de sécurité, Houston ne leur autorise que 4 heures (ce qu’ils ont fait).
On sait que vous auriez aimé que Didier continue (hum… hum….), mais il réserve la troisième partie de cette aventure pour vous narrer la seconde EVA qui va être passionnante, du moins on ose l’espérer !