APOLLO 11 – Deuxième partie

PUBLIÉ DANS RÉCITS > ASTRONAUTIQUE

Mise à part pendant les périodes de repos imposé, les check-lists, les tests et autres vérifications des systèmes (lors de l’orbite et demie terrestre de parking avant l’injection translunaire par exemple) occupaient un emploi du temps plutôt serré chez nos astronautes.

La sortie extravéhiculaire sur la Lune ne devait durer que 150 mn ; la façon dont chacune d’elles serait mise à profit donna lieu à quantité de disputes et de négociations.

Un drapeau suissse avant un drapeau américain? Mais qu’est-ce qu’il raconte le Didier ? (NDR : Didier étant l’auteur de ces lignes !)
la liste des courses des deux hommes qui se poseraient sur la Lune était assez longue, son ordre et son timing très stricts ; on s’en doute un peu !!!
Les scientifiques avaient obtenu que les équipements choisis pour ce premier vol soient installés en priorité.
Les connaisseurs savent qu’un sismomètre (enregistreur de potentiels tremblements de lune), d’un réflecteur laser (qui sert à mesurer, sur la durée, la distance Terre-Lune), et d’une expérience de collecte du vent solaire conçue entre autres par Johannes Geiss de l’université de Berne seront installés sur notre satellite préféré. (Si je mets Berne en Suisse en gras, c’est pas pour rien!!)
Le vent solaire est un flux d’électrons et de noyaux d’atomes soufflés dans l’espace par notre étoile ; sur Terre avec notre bouclier magnétique, nous en sommes protégés.
L’idée de Geiss était simple et géniale ; loin de cette barrière magnétique, sur la Lune, il serait possible de collecter le vent solaire dans toute sa pureté et d’en connaître la composition. Y a rien là ??!!!???
Mais pour cela, fallait-il encore que ce piège destiné à retenir le flux de particules stellaires soit installé depuis assez longtemps pour en retirer un grand bénéfice !!! Il faut donc que l’expérience soit installée dès le début de la sortie du LM !
Le collecteur de Geiss consistait en une feuille d’aluminium très pur portée sur une hampe ; ce qui lui donnait l’allure d’un drapeau et lui valait le surnom ironique de « swiss flag » (le drapeau suisse) aie, aie aie !!!!

Au départ, impec, « la cérémonie du drapeau », en plus de toutes les autres activités, ne posait de problème à personne. Un petit drapeau suisse sur ce collecteur de vent solaire semblait être accepté vu que le Président Nixon, élu le 20/01/1969 avait souligné l’aspect international du programme Apollo.
Mais une partie de l’opinion publique voyait d’un mauvais œil ce programme spatial et la Nasa commençait à redouter que le Congrès n’approuve pas son budget annuel. Elle décida pour l’amadouer de faire appel à sa fibre patriotique en promettant que la bannière étoilée serait solennellement plantée sur la Lune.
Un mois avant le départ, la Nasa décida donc un peu en catastrophe d’embarquer un drapeau américain ; déployer un drapeau là où il n’y a pas d’air et de le loger parmi la pléthore d’équipements de la mission, c’est un certain Jack Kinzler qui sera assigné à cette tâche. Il était connu de tout le staff comme « Mister fix it » « Monsieur Je-répare-tout », Mc Gyver, Patrick Coulon, Philippe Croset !!!! (NDR : les deux dernières personnes de la liste étant des géo-trouve-tout de l’ASAT)

Mais, chaleur pour Geiss, il craignait que ce drapeau soit planté avant son collecteur de vent solaire !!! Il appela en urgence Paul Gast (géochimiste en charge des aspects scientifiques du programme Apollo) pour lui expliquer que si le temps d’exposition de son expérience était trop amputé, les mesures en seraient inutilisables. Paul Gast contacta Bill Hess (directeur scientifique de la Nasa) d’origine allemande, qui décida que l’expérience suisse aurait la priorité en déclarant : « Nixon peut attendre » !
Des hautes personnalités à Washington auraient fait pression pour changer l’ordre des priorités mais la Nasa resta ferme au grand regret de Geiss.

Un Learjet apporta en Floride le drapeau américain à temps pour qu’il soit installé dans la fusée peu avant son départ. Des anciens ingénieurs ayant travaillé sur ce collecteur de vent solaire, ont affirmé qu’ils avaient caché un petit drapeau suisse à l’intérieur du mât du collecteur. Alors d’une certaine façon, il est peut-être vrai que le drapeau suisse a été planté clandestinement en premier !
Ces actes d’appropriation de la Lune furent très courant ; un ingénieur a avoué qu’il avait gravé son nom à l’intérieur du tube de prélèvement des carottes de sol lunaire. Quant aux équipes qui fabriquèrent le LM, elles signèrent de leur nom les parties non visibles de l’engin !

Allez, retour dans notre module Columbia en route vers la Lune ; Armstrong écoute ses deux morceaux de musique préférés : « la symphonie du nouveau monde » d’Anton Dvorak et « Music out of the Moon » du Dr Samuel J.Hoffman.
Collins, lui, observe la Terre et est étreint d’un fort sentiment de mélancolie en la voyant immobile au loin ! Il comprend pour la première fois de sa vie le sens de l’expression « être loin de chez soi » !

En s’approchant de la Lune, ils entrent dans son ombre. Armstrong est émerveillé par la vue du disque lunaire gris foncé et la couronne solaire tout autour. Maintenant, la Lune est belle et bien tridimensionnelle, un globe palpable.
Il peut apercevoir les cratères, les montagnes et les sillons sur sa surface illuminée par la lumière de la Terre. Mais un phénomène bien particulier va les surprendre ; en effet le clair de Terre est beaucoup plus brillant qu’un clair de Lune car notre planète est beaucoup plus grande et possède une énorme faculté de réflexion de la lumière solaire. Ainsi quelle ne fut pas sa surprise de voir la Lune ainsi éclairée de couleur bleue !!!

Le 19 juillet, Collins place Apollo 11 en orbite autour de la Lune à la perfection, à 115 km au-dessus de la surface, les détails leur sautent aux yeux ! Ils trouvent le paysage étrange, menaçant. Les couleurs changent presque d’heures en heures, du noir charbon à l’aube ou au crépuscule à une magnifique teinte rosée en plein « midi » ! Même le taciturne Armstrong laisse échapper quelques superlatifs en décrivant cette surface. les cratères sont bien plus nombreux que sur les photos !
Lorsqu’ils repèrent le futur site d’atterrissage (ou d’alunissage, ça marche aussi), Collins se demande même s’il y a là assez de place pour poser ne serait-ce qu’une poussette (attendez la suite, ils ne sont pas au bout de leur peine !!!). Neil tente de mémoriser les caractéristiques du site. Alors que les deux autres s’installent pour une 4ème nuit en impesanteur (ben oui, on est du 19 au 20/07), Buzz passe dans le LM dont il a la charge et met en route ses systèmes pour les contrôler un à un.

Une vingtaine d’heures après leur arrivée en banlieue lunaire, le Lunar module baptisé Eagle se désarrime de Columbia, emportant Armstrong et Aldrin vers sa surface. Il est 13h44 à Cap Canaveral et une des phases les plus critiques de la mission vient de commencer.
Le commandant d’Apollo 11 (Armstrong) à fait état, lors de son vol de descente vers la mer de la tranquillité, d’une sorte de zone lumineuse et même fluorescente près de la région nord-ouest de la Lune, à proximité du cratère Aristarchus dans la vallée de Schröter.
Buzz (en photo) a déclenché la manœuvre de désorbitage, réorienté le LM et lancé la manœuvre de descente et Neil en tant que commandant s’apprête à prendre les commandes en manuel.
Il faut s’arrêter cinq minutes et parler des nombreux entraînements d’Armstrong sur le LLTV (Lunar Landing Training Vehicle, qui est une reproduction du LM mais sur terre) dont il doit un de ses crashs le plus spectaculaires !
Le 06/05/1968, simulant une phase d’approche à la base d’Ellington, il en avait subitement perdu le contrôle à très basse altitude.

Malgré une infime marge de manœuvre, il a eu le réflexe d’activer son siège éjectable quelques secondes avant l’impact !!! De retour dans son bureau, il reprend ses activités comme si de rien n’était !
Le très sensible et affectueux Alan Bean (pilote du LM dans la prochaine mission Apollo 12) qui partageait son bureau a été atterré d’apprendre la nouvelle de la bouche de ses collègues. Il venait de croiser Neil parfaitement serein à sa table de travail ; il retourna le voir et lui demanda si c’était vrai ! Neil répondit simplement : « oui ». Bean n’en saura pas plus, choqué par la quiétude de son ami, rescapé d’un grave accident qui aurait pu lui coûter la vie !
L’enquête montrera que l’accident était dû à une panne sèche de ses réacteurs de contrôle d’altitude épuisés par 2 facteurs ; la gravité et le fort vent qui soufflait ce jour-là !!! Armstrong racontera plus tard qu’après une soixantaine de d’atterrissages réussis à bord du LLTV, Eagle lui procurait « une confortable sensation de familiarité ».

L’erreur d’Aldrin 
Un homme passionné et passionnant bardé de diplômes supérieurs le faisant paraître élitiste et ambitieux ; les autres astronautes l’affublèrent du sobriquet pas très bienveillant de « Dr Rendez-vous » !
En approche de la Lune, Buzz sait que la mission peut capoter à tout moment et qu’il devra alors éjecter l’étage de descente d’Eagle pour remonter à la rencontre de Collins resté en orbite.
Il avouera que s’il y a bien une opération à ne pas rater c’est celle-là, il faut qu’il soit prêt à se diriger vers Columbia à l’instant même ou son commandant lui en donnera l’ordre !
Alors, il va maintenir allumé le radar qui indique à l’ordinateur la position du module de commande (Columbia) tout en enclenchant l’autre radar, celui qui repère la surface lunaire en violation complète de la procédure de vol ! Normalement, c’est un radar à la fois !
L’ordinateur de bord est extrêmement rudimentaire et ne peut traiter qu’un débit de données limitées ; à mesure qu’Eagle s’approche de la surface, les échos venus du sol se succèdent plus rapidement.
« Alarme informatique » : un des trois cents et quelques voyants et indicateurs que Buzz surveille vient de s’allumer (il avouera qu’il n’a eu à aucun moment le temps de regarder la descente par le hublot) !
C’est « 1202 » indique Armstrong à Houston ; au sol, l’ingénieur Steve Bales reçoit dans son casque une communication de son collègue de soutien affirmant que cette alarme est sans conséquence pour l’instant et il donne le feu vert pour continuer !
Mais pendant ces longues secondes, Neil a oublié de voler ; dans tout aéronef, les règles opérationnelles sont très claires, le pilote se charge des instruments pour le commandant qui lui, se tient près à agir sur les commandes l’œil rivé au hublot !
Lorsque Armstrong regarde à nouveau dehors, il s’aperçoit avec effroi qu’il est bien en train de se diriger vers le site d’alunissage prévu mais que celui-ci est tapissé de rochers !!!
Le nez collé à sa petite vitre triangulaire, il prend alors les commandes en manuel et laisse Eagle dériver dans l’espoir de repérer un terrain aussi peu accidenté que possible.
Quelques secondes après, nouvelle alarme, signale avec un calme olympien Aldrin, l’ordinateur est simplement noyé sous le trop plein d’informations ; Eagle est désormais très bas.

Gene Kranz, le grand manitou aux commandes de la salle de contrôle, lance un tour de table pour connaître l’opinion de chaque responsable : navigation, rétrofusées, médecin, tous sont « go ».
Armstrong ne trouve toujours pas de terrain satisfaisant, ralentit la descente et et laisse défiler le paysage.

40 mètres d’altitude
Il ne reste plus que quelques secondes de carburant et ils sont trop bas pour interrompre la manœuvre.
Sur Terre, on constate que l’altitude du LM reste constante depuis un moment !
Kranz, d’un ton ferme et inquiet, ordonne à Charlie Duke (pilote du LM sur Apollo 16) qui était ce jour-là en charge des communications : « Rappelle-leur qu’il n’y a pas de putain de station-service sur la Lune !! »

A la dernière minute, Armstrong aperçoit une parcelle relativement uniforme, il recommence à descendre ; Buzz l’informe sur leur position : « Tu glisses un peu sur la droite. Corrige. OK »

12 mètres d’altitude
Le paysage se brouille soudain ; la poussière lunaire est soulevée par la tuyère du LM et le sol est désormais presque invisible ! A Dieu Vat (NDR : « advienne que pourra »). Buzz commente pour Houston : « maintenant on voit notre ombre ».

Lumière de contact
Puis il signale « Ok, coupure de moteur ; ce sont les premiers mots prononcés sur la Lune ; Neil Armstrong reprend la communication et, dans une improvisation typique de son fonctionnement, décide de son propre chef qu’ils ne sont plus un simple module de descente, mais désormais une « base » qui ne figure dans aucun protocole !

« Houston? euh…Ici la base de la Tranquillité, l’Aigle s’est posé !