JUPITER / ZEUS : Le dieu suprême
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Jupiter, la reine des planètes, la super géante gazeuse, presque une étoile ! Parée de volutes colorées qui rappellent les toiles de van Gogh, elle fascine les astronomes depuis que Galileo Galilei a pointé sa lunette dans cette direction et découvert ses quatre gros satellites au début de l’année 1610, quatre mini planètes sur lesquelles se portent aujourd’hui tous les regards, se concentrent toutes les recherches. Et le plus petit des quatre satellites galiléens intéresse particulièrement les exobiologistes qui espèrent trouver une forme de vie dans l’océan d’Europe.
Jupiter Fulgor est le nom que les Romains ont donné à Zeus, le dieu de l’Olympe qui, après avoir surmonté toutes les difficultés, traversé avec succès tous les dangers et vaincu tous ses ennemis, sera le roi des dieux dans la mythologie grecque.
Zeus est un rescapé ! En effet, son père Cronos engloutit ses enfants dès leur naissance. Il en a déjà avalé cinq lorsque Rhéa, comme Gaïa avant elle, décide que cela suffit. Elle part donc en Crète où elle accouche de son sixième enfant, Zeus, qui reste caché dans une grotte profonde sur le Mont Ida. Pour tromper Cronos, Rhéa emmaillote une grosse pierre qu’elle tend à son époux. Celui-ci l’avale sans la croquer (heureusement pour ses dents !), sans rien remarquer !
Zeus grandit, nourri du lait de la chèvre Amalthée. Comme tous les dieux, il est parfaitement beau mais aussi extrêmement fort, trop fort ! C’est ainsi que, encore nourrisson, il arrache une corne de la chèvre, l’offre aux nymphes qui veillent sur lui en leur promettant qu’elle se remplira toujours de tout ce qu’elles désireront : c’est la fameuse Corne d’abondance. De plus, pour remercier Amalthée de l’avoir nourri, il la transforme en étoile : c’est Capella, l’étoile alpha du Cocher.
Parvenu à l’âge adulte, Zeus sort de sa caverne obscure pour s’installer dans la lumière du Mont Olympe qui domine toute la Grèce. Aussitôt il va trouver son père, le terrasse et le force à recracher, intacts, ses frères et sœurs. Et la pierre ! Les six premiers dieux olympiens se retrouvent donc sur le Mont Olympe qui sera désormais leur demeure pour l’éternité : Hestia, Déméter, Héra, Hadès, Poséidon et bien sûr Zeus qui s’impose naturellement comme leur chef, ou plus exactement, le « primus inter pares ».
Mais Cronos ne se laisse pas détrôner si facilement. Pour combattre ses enfants, il fait appel à ses frères et sœurs, les Titans, des dieux d’une force… titanesque ! C’est la guerre entre les dieux que les Olympiens font à partir de la montagne de lumière, l’Olympe, et les Titans à partir du Mont Othrys, lieu d’obscurité : c’est le Cosmos contre le Chaos. Les deux camps sont à égalité sur le plan de la force et de l’immortalité ! La guerre s’éternise, sans vainqueurs ni vaincus.
Ce qui va faire la différence, c’est l’intelligence. Or la première épouse de Zeus est une nymphe de la mer, Mêtis, une magicienne qui personnifie l’intelligence, la prudence et la ruse. La sachant enceinte de ses œuvres et craignant d’être à son tour détrôné par un fils, il demande à Mêtis de lui montrer ses pouvoirs : qu’elle se transforme donc en goutte d’eau ! Sitôt dit, sitôt fait… et Zeus l’avale (décidément, c’est une habitude dans cette famille !), s’appropriant ainsi les qualités de son épouse : voici donc un dieu beau, fort, très prudent, super intelligent, hyper rusé.
Zeus comprend alors que, pour gagner la guerre, il lui faut d’autres alliés : il libère des Enfers les monstres gigantesques qui y sont enfermés : les trois Hécatonchires aux cinquante têtes et aux cent bras, et les trois Cyclopes à l’œil unique qui, en signe de reconnaissance, lui donnent leurs propres armes : le tonnerre qui assourdit, l’éclair qui aveugle et la foudre qui terrasse tous les ennemis. Ce seront aussi les armes de Zeus justicier : 1. avertir, 2. menacer, 3. punir.
C’est ainsi que Zeus gagne la guerre contre les Titans. Il devient le roi des dieux, gardant toujours à ses côtés la déesse de la Justice, Thémis. Il partage le monde d’abord en trois royaumes : Hadès hérite du monde souterrain, Poséidon de la mer et Zeus se réserve la surface de la Terre ainsi que le ciel. Puis, à ceux qui ont combattu avec lui, il distribue les régions, les compétences et les honneurs. Il le leur avait promis, il tient ses promesses. Zeus a compris que, pour gagner la guerre, il faut l’intelligence et la force, mais pour conserver la paix, c’est la justice qui est indispensable.
Dessin : Patrick Coulon – Cliquer pour agrandir
Cet éternel justicier, roi des dieux et dieu des rois, maître des destinées, est aussi celui qui, par ses multiples amours, a engendré une famille nombreuse de dieux et de héros ! Il ne compte pas moins de trois épouses légitimes, la première étant Mêtis, l’Intelligence, qu’il avale alors qu’elle est enceinte. Pris de terribles maux de tête, Zeus demande à Héphaïstos de lui ouvrir le crâne avec sa hache. C’est Athéna qui en sort casquée et armée. Sa seconde épouse, Thémis, la Justice, donne naissance aux Moires (les Parques chez les Romains), trois divinités qui veillent au déroulement de la vie de chacun. Enfin Héra restera l’épouse fidèle malgré les nombreuses infidélités de Zeus, fidèle et terriblement jalouse. Elle lui donne deux fils, Arès et Héphaïstos.
A côté de ses épouses, Zeus a de nombreuses maîtresses, que ce soient des déesses (telle la déesse de la mémoire, Mnémosyne qui, après neuf nuits d’amour, enfante les neuf muses dont Uranie, la muse de l’astronomie ; ou Léto, mère d’Apollon et d’Artémis) ou bien des nymphes, ces divinités de la nature (comme Callisto transformée en ourse par Héra puis en constellation par Zeus ; ou Eurynomé, mère des Trois Grâces).
Mais l’irrésistible Zeus séduit même des mortelles, ce qui pose un gros problème car aucun mortel ne peut poser les yeux sur un dieu sans être aveuglé et même, dans le cas de Zeus, foudroyé, anéanti. Celui-ci use donc d’un stratagème : il prend différentes formes pour les approcher et les séduire : il sera un doux taureau blanc pour enlever Europe, un nuage pour séduire Io (que la jalouse Héra transformera en génisse), il devient un cygne blanc pour approcher Lédail, poussière d’or pour s’unir à Danaé et c’est sous la forme d’un aigle qu’il enlève le jeune Ganymède qui acquiert l’immortalité en devenant l’échanson des dieux de l’Olympe.
En effet, Zeus est avant tout amoureux de la beauté, au féminin ou au masculin, peu importe, et c’est ce qu’il faut retenir : il est le dieu de l’harmonie qu’il réussit à instaurer dans le monde des dieux. Il a transformé le Chaos en Cosmos. Mais quand il a l’idée (mais quelle idée saugrenue !) de créer les êtres humains, tâche dont il charge Prométhée, c’est le désordre, la violence, le chaos qui sont de retour sur la Terre… Décidément, avec les hommes Zeus a encore du souci à se faire et du pain sur la planche.
En chiffres :
- Distance au soleil : 778 millions de km, soit 5,2 UA
- Diamètre : 143 000 km, soit 11 fois celui de la Terre
- Vitesse orbitale : 13 km/s
- Révolution : 11 ans et 315 jours
- Rotation équatoriale interne, sous les nuages : 9h55
- Rotation équatoriale externe : 9h50, à la vitesse record de 44 000 km/h, soit plus de 12 km/s (la Terre : 0,46 km/s)
- Champ magnétique : 17 000 fois celui de la Terre
- Lunes : 95 découvertes à ce jour, dont 4 plus importantes : Io, Europe, Ganymède et Callisto, les satellites galiléens
- 3 anneaux sombres et très fins, composés de particules microscopiques de poussière.
La première des quatre planètes géantes (dites encore de type jovien par opposition aux planètes telluriques) est la plus grosse de tout le système solaire, à peine dix fois plus petite que le Soleil. Si son diamètre est égal à 11 fois celui de la Terre, son volume (4/3 π R3) contient près de 1 400 fois notre planète ! Mais sa masse, quoique impressionnante (1,9 x 1027 kg), n’est « que » 318 fois celle de la Terre. Cette disproportion volume/masse se traduit par une densité faible de 1,3 (l’eau : 1). Évidemment, ceci est dû à la différence de composition entre une planète gazeuse et une planète tellurique.
Une planète jovienne est un objet fluide dont la densité augmente vers le centre et dans lequel la distinction n’est pas nette entre l’atmosphère et la planète proprement dite. Jupiter n’a donc pas de surface solide mais possède sans doute un noyau de roche et de métal qui pourrait être de la taille de la Terre, enfoui sous des couches profondes de gaz.
La pression et la température augmentant rapidement à mesure que l’on descend vers le centre de la planète, les molécules d’hydrogène sont de plus en plus rapprochées et l’atmosphère devient progressivement liquide. Le passage de l’état gazeux à l’état liquide étant graduel, il n’y a pas non plus de surface liquide à proprement parler. La pression augmentant encore jusqu’à atteindre 1 million de bars, les molécules se dissocient et l’hydrogène liquide acquiert les mêmes propriétés de conductivité électrique que les métaux, d’où son appellation d’hydrogène métallique. Et c’est sans doute la présence de cette énorme quantité d’hydrogène métallique qui produit l’immense champ magnétique de Jupiter à l’origine des aurores polaires spectaculaires que l’on peut observer et photographier depuis la Terre. Ce champ magnétique intense s’étend sur des millions de km dans l’espace, formant une vaste région, la magnétosphère, qui va au-delà de l’orbite de Saturne !
Son atmosphère est composée principalement d’hydrogène (85%) et d’hélium (13%) combinées à d’autres éléments peu abondants (méthane, ammoniac, eau, éthane, phosphine) qui permettent la formation de nuages de différentes couleurs, chacune étant due à la condensation d’une molécule particulière. Cette atmosphère est agitée de vents violents pouvant atteindre 600 km/h, d’ouragans gigantesques formant des nuages de haute altitude qui s’élèvent entre 50 et 200 km au-dessus de la couche de nuages bas, dessinant des volutes complexes et colorées, et dans les couches profondes, des orages accompagnés d’éclairs 1 000 fois plus puissants que sur la Terre. Grâce à la sonde Juno qui envoie des images de Jupiter depuis 2016, on découvre un paysage atmosphérique très différent à l’équateur et aux pôles. Mais ce qui frappe à première vue, c’est cette alternance de bandes horizontales claires et foncées.
D’où viennent ces bandes de couleurs ? L’atmosphère de Jupiter n’est pas seulement agitée de vents violents. On note également des courants ascendants et descendants qui ressemblent aux cellules de Hadley sur Terre, i.e. une circulation atmosphérique qui redistribue la chaleur accumulée. On a donc des régions de convection qui correspondent aux bandes parallèles alternées : dans les parties blanches, appelées zones, le mouvement est ascendant. C’est le cas à l’équateur où le soleil chauffe au maximum et crée un mouvement atmosphérique ascendant : la zone équatoriale est blanche. Au contraire, dans les parties brunes, appelées bandes ou ceintures, le mouvement est descendant.
Et la Grande Tache Rouge ? Découverte par Robert Hooke en 1664, mais surtout observée, décrite et dessinée en 1665 par Jean-Dominique Cassini qui l’appelle « Tache permanente », ce n’est pas celle que l’on observe aujourd’hui contrairement à ce que l’on a longtemps cru, puisqu’elle n’est plus mentionnée dans les observations des astronomes durant tout le 18e siècle et jusqu’en 1831. Celle que nous voyons est née au 19e siècle et non pas au 17e !
A la limite entre une bande sombre et une zone claire, la GTR est encadrée par des vents violents. En soufflant dans des directions opposées à plusieurs centaines de km/h (650 ?), ces vents créent un tourbillon qui tourne dans le sens inverse de la rotation de Jupiter en une période de 6 jours. Cet anticyclone dont le diamètre a fortement diminué au cours des dernières décennies, passant de 22 000 km à 14 000 km de diamètre (quand même encore plus grand que la Terre !), s’enfonce dans les couches de nuages jusqu’à 500 km de profondeur. La Grande Tache Rouge est peut-être appelée à disparaître à l’instar de la Tache permanente de Cassini, ou bien à durer encore durant des décennies car elle absorbe d’autres tempêtes qui se forment dans son voisinage.
Jupiter est accompagnée d’un cortège de 95 lunes dont la plupart sont des astéroïdes de petite taille. Mais quatre d’entre elles se distinguent à bien des égards : ce sont les satellites galiléens découverts par Galilée en 1610. Lui-même les appelle « lunes médicéennes » en l’honneur des Médicis, protecteurs des arts et des sciences. C’est l’astronome allemand Simon Marius qui, suivant la suggestion de Kepler, les baptisera du nom de quatre conquêtes amoureuses de Zeus.
Io est le satellite le plus proche de la planète géante. Il se distingue par son intense activité volcanique : on y compte plus de 400 volcans actifs qui éjectent de la matière jusqu’à 500 km de hauteur. Du soufre et du dioxyde de soufre retombent sur la surface de Io et lui donnent sa couleur jaune orangée. Une partie de la poussière volcanique microscopique éjectée dans l’espace et capturée par le champ magnétique de Jupiter est à l’origine des aurores polaires joviennes. L’activité volcanique de Io est due à l’effet de marée exercé par la planète géante et par les autres lunes.
Europe, la deuxième lune, est la plus petite mais aussi la plus intéressante au point de vue de l’exobiologie, science qui recherche la vie en dehors de notre planète. En réalité, ce n’est pas une recherche directe de la vie mais plutôt la recherche des traces de molécules chimiques primordiales simples susceptibles de se combiner, dans certaines conditions, en molécules prébiotiques qui, elles-mêmes, pourraient donner des molécules biologiques très complexes. Ainsi, aucune preuve directe mais une convergence de preuves indirectes permet d’affirmer avec une quasi certitude qu’il existe sur Europe un océan sub glaciaire salé, condition favorable à l’éclosion d’une forme de vie. Mais ce n’est qu’une condition parmi d’autres…et jusqu’à présent aucune trace de vie quelle qu’elle soit n’a été trouvée.
Ganymède est la plus grosse des lunes de Jupiter, la plus grande de tout le système solaire, surpassant la taille de la planète Mercure ! Elle est composée de roches et de glace d’eau et sa surface présente des signes d’activité géologique comme sur Terre : cratères, plissements, régions lisses… De plus, Ganymède possède un champ magnétique qui donne naissance à des aurores polaires. C’est véritablement une petite planète autour d’une (presque) étoile !
Enfin Callisto, la plus éloignée de Jupiter, présente une surface très cratérisée, preuve de son grand âge. Les bassins d’impact géants sont la marque des conditions violentes dans lesquelles est né et a évolué notre système solaire depuis plus de 4 milliards d’années. Mais il semblerait que, tout comme Europe et Ganymède, Callisto pourrait abriter un océan sous sa surface. Peut-être, selon des études très récentes.
Le système jovien est un monde fascinant encore plein de mystères que les chercheurs essaieront de résoudre avec l’aide des télescopes spatiaux et de nouvelles sondes telle JUICE (Jupiter Icy moons Explorer) ou la mission spatiale Europa Clipper lancée le 14 octobre dernier. Chercher une forme de vie en dehors de la Terre n’est plus de la science-fiction, mais en trouver n’est pas (pas encore ?) la réalité.
Marie-Hélène