APOLLO 10 : RÉPÉTITION GÉNÉRALE !

PUBLIÉ DANS RÉCITS > ASTRONAUTIQUE

La menace soviétique écartée, c’est maintenant la ligne droite devant le calendrier très serré de la NASA. Gainsbourg et Birkin (paix à leur âme) parlait de « 69 année érotique » ; je dirais plutôt « année astronautique ». Pas moins de 4 missions Apollo cette année-là ! Enfin, c’est une année où l’on s’envoie en l’air !

D’habitude, pour une mission avec débarquement lunaire, il y a un des astronautes que l’on qualifie affectivement de « sacrifié » et bien dans ce qui va suivre, c’est bien l’ensemble de l’équipage qui va, d’un certain point de vue, être sacrifié et ceci à deux lieux différents.

A la distribution opérationnelle sur vaisseaux, 3 astronautes des plus expérimentés.

Le commandant Thomas Stafford, le pilote du module lunaire Eugene « Gene » Cernan et le pilote du module de commande John Young. Vous entendrez parler avec brio de ces 3 astronautes dans les dernières missions Apollo !

Tout s’était plutôt bien passé, il y a plus de deux mois, en orbite terrestre pour la dernière mission afin de procéder à toutes les manœuvres couplées ou non entre le CSM et le LM et les validations sont actées à ce niveau.

Parfait mais voilà, il faut refaire pareil mais…..en orbite lunaire ! C’est le dernier gros round avant l’exploit jamais égalé depuis !

Le 18 Mai 1969 à 16h49 GMT, une fusée Saturn V décolle depuis le pas de tir 39B du Centre Spatial Kennedy ; après les vérifications d’usage en orbite, le vaisseau est injecté sur une trajectoire lunaire. La  manœuvre n’avait plus été réalisée depuis Apollo 8. Trois jours de « traversée » où l’on fournit les retransmissions télévisées en couleur depuis l’espace. La première retransmission s’est déroulée quelques heures après le lancement et diffusa l’arrimage entre Snoopy (LM) et Charlie Brown (CSM). C’était une série de clips courts et T. Stafford dira : « Nous devrions être capables de faire mieux que ça ». Durant toute la mission, 19 retransmissions couleur furent réalisées et fournirent au total plus de 6 heures d’images époustouflantes visibles par les gens sur terre en temps réel.

Le 21 Mai, le train spatial se place en orbite autour de la lune approximativement à 110 km au-dessus de la régolithe. Bon, il est temps de se préparer à libérer le Lunar Module et de commencer la descente ! Cernan et Stafford entament la descente et ces deux-là entendent bientôt un bruit étrange depuis la séparation d’avec Young de l’autre côté de la lune. Dans les transcriptions et enregistrements, finalement publiées en 2008, le son aigu est évident et est complété d’un échange entre les deux astronautes essayant de comprendre ce que c’est. Cernan avance : « cette musique a même un air spatial, non? », « vous entendez, ce sifflement ! ». Cela se produisit au 5ème jour et Collins la mission suivante a aussi noté un sifflement durant sa mission.

Après quelques recherches, on découvre que c’étaient des interférences entre les radios VHF des 2 modules spatiaux.

La descente se poursuit avec les procédures qui vont avec et on approche les 14,5 km d’altitude (jamais un humain ne s’est trouvé aussi près d’un objet céleste).

Il faut encore noter le langage de charretier des occupants du LM. La salle de contrôle entend « le putain de filtre de caméra » qui agaçe Stafford et les rafales de « fuck » qui ponctuent la description de la surface lunaire à mesure que les deux hommes s’en approchent. Dans la salle de contrôle à Houston, un journaliste demande à l’astronaute Jack Schmitt : « J’ai bien entendu, le colonel Stafford a qualifié le cratère Censorinus de « bigger than shit » (plus gros que de la merde), Nan, z’avez mal entendu, il parlait de moi, Schmitt !!!

Houston ne sait pas que Snoopy survole le cratère plus de 1000 mètres plus bas que prévu, soit moins de 6000 mètres des crêtes menaçantes.

L’alunissage est tentant mais interdit ! Soudain, lors de la préparation de la manœuvre de remontée, le LM bascule violemment vers l’avant et plonge vers la surface de la lune. « Fils de pute » lance Cernan.

Par mégarde, il vient, sans le vouloir, de toucher un interrupteur qui ordonne au LM de ne plus prendre pour cible le CSM mais la surface de la Lune. Alors que le danger est réel, Stafford a le réflexe de larguer l’étage de descente et de reprendre en manuel. Cernan dira : « J’avais réglé tous les commutateurs instinctivement comme nous le faisons tous ; Tom s’est penché pour changer les positions avec le commutateur de guidage parce qu’il savait qu’il devait être réglé sur X mais je l’avais déjà changé sur X. Donc quand il l’a allumé, il était sur le système de guidage principal (et non sur le système de guidage d’interruption). Le système de guidage principal ne savait plus où l’envoyer ; donc les 2 modules se sont séparés et se sont mis à tourner, hors de contrôle. Je me souviens avoir vu un horizon lunaire passer dans différentes directions environ 18 fois en 15 secondes. Tom a repris le contrôle à l’ordinateur ; nous sommes repassés sur le système de guidage « abort », l’allumage s’est produit en temps voulu. » Mon œil, en fait, on saura plus tard que Snoopy était à deux secondes de s’écraser sur la lune ou selon une autre source à à deux secondes d’un point de non retour !

En outre et pour ouvrir la voie à Apollo 11, ils ont vérifié le radar d’atterrissage sur cette mission et découvert qu’il avait été programmé de manière erronée. Une avancée de plus pour Apollo 11.

Bon, la remontée se passe bien ainsi que les retrouvailles avec Young, heureux de ne plus être seul et reste encore une procédure importante à réaliser. Des manoeuvres de secours sont expérimentées et une sortie extravéhiculaire (EVA) de 56 minutes sera mise en place pour tester l’éventualité d’un transfert de l’équipage du LM vers le CSM par les voies extérieures (imaginons un problème, un obstacle ou plus largement l’impossibilité de passer par le tunnel qui relie les deux vaisseaux). Une simulation va être mise en place afin de se servir du LM comme canot de sauvetage dans l’hypothèse où le module de commande serait inhabitable ou impossible à manoeuvrer. Ils ne savent pas à quel point cette procédure sera importante au point de sauver la vie des astronautes d’Apollo 13.

La caméra Hasselblad, au cours des 15 orbites lunaires suivantes après la réunion des deux vaisseaux, va servir à repérer des sites d’alunissage.

Injection vers un retour trans terrestre et le 26 Mai, la capsule entre dans l’atmosphère terrestre. Record de rentrée avec 39897 km/h ; à 16h52 GMT, Charlie Brown plonge dans l’océan pacifique et l’USS Princeton récupère nos trois astronautes.

Tous les paramètres semblent désormais être au vert pour une des plus grandes réalisations dans l’histoire de l’humanité mais ceci est une autre histoire.