APOLLO 11 – Troisième partie
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Sur terre, Charlie Duke en bafouille de surprise : « Reçu, Twank….euh…. Tranquillité ? Bien reçu ! ». Il ajoute son célèbre « Vous teniez un tas de gars en haleine ici. Ils allaient devenir tout bleus ! On respire à nouveau, merci beaucoup ! ».
Très concentrés, nos deux astronautes échangent une courte poignée de main et commencent immédiatement la check-list de départ afin d’être prêts à repartir en cas de problème grave.
Pour Armstrong, le but est atteint ; de son point de vue de pilote, poser Eagle sur la lune, c’était le principal, le reste c’est du bonus !
Buzz Aldrin a emporté avec lui « une petite fiole de vin (du pinard sur la lune pour la première fois !!) et une hostie » et demande l’autorisation (qui pourrait bien lui refuser ?) de pratiquer une petite cérémonie de communion à titre privé.
La première nourriture est consommée sur la Lune.
Avant toutes choses, il faut une période d’acclimatation à la gravité lunaire durant laquelle les deux hommes doivent se restaurer et dormir un peu ; deux heures après s’être posés, ils jugent qu’ils sont déjà bien adaptés et décident de réaliser l’EVA (sortie extra-véhiculaire) avant d’aller « au lit ». Une préparation à l’EVA dure environ 2 heures mais dans les conditions réelles, les préparatifs prennent plus de temps que prévu.
Allez, il faut suivre point par point une longue liste appelée « Surface Check-list » qui détaille toutes les opérations pour rendre leur combinaison autonome et survivre au dehors.
On prend son temps afin de ne pas commettre d’erreurs et de ne pas retarder ou compromettre tout simplement leur sortie.
Premièrement, on passe de notre combinaison du mode intra-véhiculaire au mode extra-véhiculaire par l’adjonction du système de survie, du casque, des gants et des bottes lunaires.
Deuxièmement, on bascule le système du LM qui fournit l’oxygène pour qu’il amène ce dernier non plus dans la cabine mais dans la combinaison.
Troisième étape, il faut dépressuriser la cabine (étage de remontée du LM) avant d’ouvrir l’écoutille mais auparavant quelques opérations à réaliser….
Il faut encore attacher leur système de survie PLSS (Portable Life Support System) sur la combinaison ; c’est une sorte de sac à dos qui s’attache sur la combinaison, il contient une réserve d’oxygène de 4 heures et le système de refroidissement par eau de la combinaison.
30 minutes de retard (sur les deux heures estimées) auxquelles il faut rajouter 20 minutes car ils peinent chacun à raccorder le câble électrique qui relie le PLSS au RCU (Remote Control Unit), un boîtier fixé au niveau de la poitrine sur la combinaison, qui permet de contrôler certaines fonctions du PLSS. 20 minutes s’ajouteront encore pour tester chaque PLSS ainsi que les communications.
Bon, enfin, ils ont le feu vert pour dépressuriser la cabine ; inutile de vous dire qu’il y a un paquet de valves et d’interrupteurs à manipuler ! Beaucoup de tuyaux reliant les systèmes de contrôle de l’atmosphère du LM à la combinaison sont à brancher et à débrancher ; ce n’est pas le moment de se gourer !! Une fois que l’air arrive dans la combinaison via la PLSS, on revêt le casque (une bulle transparente) par dessus lequel on place le LEVA (Lunar Extravehicular Visor Assembly) qui comporte les visières protégeant de l’aveuglante clarté et de la chaleur du soleil (je vous rappelle qu’il n’y a pas d’atmosphère ou très ténue et insignifiante sur la lune).
Bon, un PLSS sur le dos, il faut rajouter 66 cm de haut, 48 de large et 24 d’épaisseur à la base plus l’OPS (Oxygen Purge System) une réserve d’oxygène supplémentaire fixée encore au-dessus.
Des éléphants dans un magasin de porcelaine, résultat deux boutons sont enfoncés, fermant des circuits alors qu’il devaient être ouverts ; un interrupteur a même été cassé à la suite d’un choc par l’un des PLSS (aie, aie, aie plus grave… on en parle plus tard).
Bon, on est pas loin là.
Ils mettent leurs gants et les derniers éléments pour cette EVA tant attendue ; quelques minutes plus tard, Aldrin actionne la valve de vidange qui permet l’évacuation de l’air de la cabine ; la valve se situe au niveau de l’écoutille avant du LM, celle par laquelle ils vont sortir.
Arrêtons-nous sur cette écoutille, elle s’ouvre vers l’intérieur et sa surface étant assez importante, la pression qui s’exerce sur elle empêche son ouverture tant que le vide n’est pas suffisamment prononcé dans la cabine.
Nos 2 américains attendent patiemment que la pression tombe presque à zéro. Cela prend un temps anormalement long et Aldrin s’impatiente.
On comprend vite pourquoi ; un filtre bactériologique a été installé au niveau de l’évacuation de l’air pour éviter une contamination de la lune. Il s’avère que ce filtre double la durée de la dépressurisation ; finalement, Aldrin ouvre l’écoutille et le filtre en question est éliminé dès la mission suivante.
A plat ventre et à reculons, Armstrong s’engage à travers l’écoutille pour atteindre la plateforme extérieure du LM et…
Que va-t-il se passer six heures après l’alunissage?
« That’s one small step for man, one giant leap for mankind! » = « C’est un petit pas pour (un / l’) homme, un bond de géant pour l’humanité !«
Même les personnes qui n’ont que faire de l’histoire de la conquête spatiale ont entendu cette phrase !
Pendant ces quelques heures de paix universelle, lorsque les deux astronautes foulent de leur pied un autre corps céleste que la terre, les statistiques de la police américaine enregistrent une baisse foudroyante de la criminalité dans tout le pays !! Un moment suspendu dans le temps pour toute l’humanité, bien sûr pour Neil et Buzz et aussi pour le plus solitaire de tous les hommes, Michael Collins.
Une plaque commémorant l’arrivée des premiers hommes sur la lune est fixée sur le pied de l’échelle du LM. « We came in peace for all mankind ! » = « Nous sommes venus en paix au nom de toute l’humanité ! »
Les consignes : ne pas s’éloigner de plus de 30 mètres du LM et si possible de toujours rester dans le champ de la caméra TV !
Pour mener à bien leur activité, nos deux hommes ont chacun un pense-bête, une check-list cousue sur la manche gauche de leur combinaison.
Dans la backroom, (au contrôle de mission à Houston) cette pièce où les géologues suivent la mission, on s’impatiente car Neil tarde à prélever l’échantillon aléatoire qui est pourtant prioritaire sur tout le reste !! Armstrong est le seul maître sur le terrain mais au bout d’un moment le directeur de vol Gene Kranz (la seule personne habilitée à parler directement aux astronautes) lui signale via le Capcom que cette tâche est en suspens ! Armstrong ne l’a pas oubliée ; il estime seulement qu’étant donné le très bon déroulement de l’EVA, il n’y a pas d’urgence à la réaliser. Il fait d’ailleurs encore quelques photos avant de prélever l’échantillon.
Il utilise pour cela un sac attaché au bout d’un manche qu’il râcle sur le sol à proximité du LM.
Il récolte surtout du matériau fin qui constitue la partie supérieure du régolithe, la couche de débris résultant des impacts météoritiques et qui est partout présente sur la lune.
Il écope cependant quelques fragments de roche dont les plus gros sont une brèche de 250g (échantillon 10021) et un basalte de 96g (échantillon 10022) ; ce sont les toutes premières roches prélevées sur la lune. Une fois le sac rempli (au total 1kg d’échantillons pour cet échantillon aléatoire ; attention ça n’est pas l’ensemble du matériau total rapporté qui est de presque 21 kg), il le détache du manche et le glisse dans une poche de sa combinaison.
Armstrong se sent bien léger, il pèse 75 kg sur la terre mais sur la lune, 12.5 kilos. Et si on lui rajoute tout le poids de son scaphandre, on atteint péniblement les 25 kg. Il se déplace sur la surface lunaire facilement et sans effort.
Aldrin, même sensation mais en bon physicien, il signale que l’imposante masse de son pack dorsal le tire en arrière quand il se propulse en avant.
Si le poids d’une masse (vers le bas) est considérablement réduit sur la lune, son inertie (sa résistance à la mise en mouvement) reste, quant à elle, la même que sur terre !
Les deux hommes sont unanimes ; leurs déplacements étaient bien plus faciles que dans tous les systèmes de simulation qu’ils avaient pratiqués sur terre.
20 minutes après la sortie d’Armstrong qui est en train de configurer le MESA (Modularized Equipment Stowage Assembly), Aldrin sort à son tour. Sur l’échelle, il avait commenté : « Maintenant je remonte d’un échelon pour tirer gentiment la porte d’écoutille en veillant à ne pas la fermer complètement… En m’assurant de ne pas nous enfermer dehors (car il n’y avait pas de poignée dehors). »
Armstrong avait ri : « Une sacrément bonne idée ! » (Aldrin est, à ce jour, aussi contrarié que ses camarades se moquent de lui pour cette remarque ; « Imaginez que la porte se soit verrouillée ! » proteste-t-il).
Contemplant pour la première fois le paysage en toute quiétude, il le qualifia de « magnifique désolation« . Il se sentait étrangement détaché, comme s’il était lui-même son propre spectateur (taquin et visiblement fier de lui, Aldrin confiera qu’il fut, à cette occasion, le premier à uriner sur la lune).
Petit passage sur la rotondité de la lune…
Habitués à estimer les distances sur Terre (rappelez-vous le petit prince debout sur une planète minuscule ; c’est juste une image !), les marcheurs lunaires ont eu certaines difficultés à estimer les distances.
L’horizon est presque 4 fois plus proche que celui de la terre !!
Neil ARMSTRONG racontait que cette courbure très prononcée de la lune rendait la marche déroutante. Il cite par exemple un cratère de plus de 30 mètres de haut qu’il avait repéré lors de son atterrissage, mais qu’il ne pouvait, désormais, plus voir malgré le fait qu’il s’en trouvait à quelques centaines de mètres seulement !
Pour son cerveau habitué aux normes terrestres, les objets disparaissaient incroyablement vite derrière l’horizon à mesure qu’il se déplaçait !
Autre sensation déroutante, l’absence quasi totale d’atmosphère provoque un autre effet d’optique déroutant ; chez nous l’air ambiant voile les objets qui nous entourent d’autant plus fortement qu’ils sont loin (une montagne, un bateau au loin apparaissent ainsi moins contrastés que s’ils étaient tout proches). Inconsciemment, nous nous servons de cet effet pour estimer les distances.
A plusieurs reprises, les astronautes croyant marcher vers un caillou tout près d’eux, découvraient qu’ils peinaient à s’approcher d’un immense rocher dans le lointain (une expérience similaire sera racontée ultérieurement lors de l’EVA de Young et Duke sur Apollo 16 !).
A part l’installation du drapeau américain qui obligea les astronautes à rassembler un petit tas de poussières à sa base pour lui donner un équilibre précaire, les opérations sur la lune se révélèrent simples et agréables.
Les officiels (qui pour eux, l’instrumentation scientifique ne passait pas en premier plan), au dernier rang dans la salle de contrôle de Houston, étaient visiblement nerveux. Pour eux, le plus important était de planter le drapeau et la conversation avec le président Nixon en direct depuis la maison blanche.
Après la pose d’un sismomètre passif, d’un autre actif, d’un magnétomètre, d’un spectromètre de vent solaire, d’un détecteur d’ions suprathermiques, d’un appareil destiné à mesurer les flux thermiques, d’un autre destiné à mesurer les particules chargées, d’une jauge cathodique, d’un détecteur de micrométéorites et éjectats, d’un profil sismique de la lune, d’un spectromètre de masse, d’un gravimètre, d’un détecteur de poussière et d’un réflecteur laser; tout cela représentant l’ALSEP (Apollo Lunar Surface Experiments Package) simplifié (oui, au fur et à mesure des prochaines missions, les appareils scientifiques vont proliférer à la surface de la lune), 2 heures et demie après la descente et 20.7 kg d’échantillons sélènes rapportés, il est temps de regagner Eagle.
A la fin de l’EVA, Armstrong courut rapidement vers un grand cratère non loin sans rien dire à personne. Il décida spontanément de faire une photo de celui-ci et vola un instant de sérénité solitaire. Cette action surprenante montre une nouvelle facette du caractère de cet homme qu’on pensait si discipliné. Dans le film « first man » avec comme avis personnel l’excellente détermination et quiétude de Ryan Gosling, on lui attribue même d’avoir jeté au fond de ce cratère, un bracelet au nom de sa fille décédée. Les deux fils de Neil, Rick et Mark ne donneront pas plus de réponse.
Aldrin, quant à lui, s’emplit les yeux de la vision de la terre, plus brillante que la pleine lune, merveilleusement colorée sur le fond absolument noir du ciel.
Armstrong se montra, d’ailleurs, un photographe plus sérieux qu’Aldrin qui n’a pas eu l’idée de faire une belle photo de son commandant sur la Lune. On apercevra, certes, Neil Armstrong sur 5 photos mais toujours de dos, dans l’ombre ou mal cadré. Ses collègues de la Nasa en furent consternés (et lorsque l’auteur de ces sources en a parlé avec Buzz, ses explications n’ont pas permis d’en savoir plus).
De retour dans le module de remontée, les deux hommes essayèrent de dormir ; Armstrong, vautré sur le couvercle de protection du moteur d’ascension et Aldrin a même le sol. Une odeur de poudre à canon provenant de la poussière lunaire envahissait tout l’habitacle, une poussière très salissante, rendue collante par l’électricité statique.
En se couchant, Aldrin aperçut un petit objet sur le sol poussiéreux (rappelez-vous au début de mon récit) ; curieux, il se rendit compte en fait, qu’il s’agissait d’un fusible. Instinctivement, il contrôla tout le cockpit à la recherche d’une pièce manquante.
Avec stupeur, il s’aperçut que ce n’était ni plus ni moins que le fusible faisant office d’interrupteur pour la séquence d’allumage du moteur de remontée du LM !!!
Sans ce fusible, pas de retour possible sur Terre. En parlant de cet incident, Aldrin dira bien plus tard avec un petit sourire : » Tu vois, là c’est nous qui aurions dû dire : Houston, on a un problème. » (allusion à la célèbre phrase d’Apollo 13).
Neil et Buzz tentent de dormir en laissant à Houston le soin de trouver une solution, mais ils ont trop froid et l’oxygène qui passe dans leur combinaison accentue leur inconfort. Les hublots sont mal couverts et laissent passer bien trop de lumière. L’heure du réveil arrive au moment où ils n’espèrent plus s’endormir ! Toujours pas de solution en vue !
En désespoir de cause, Aldrin sortit une pointe feutre en plastique personnelle de sa poche (isolant donc) pour forcer le fusible à entrer dans son logement !!!
Hourrah, le moteur-fusée démarra sans problème. Ce fut un soulagement d’autant plus que l’équipe au sol avait remarqué la formation d’amas de carburant givré qui obstruait le système d’allumage et que, fusible ou pas, personne ne savait si le moteur partirait.
Le grand public ignore généralement qu’Apollo 11 est véritablement passé très près du drame à plusieurs reprises.
Après cette « promenade » de 2h31mn, il faut songer à tout paramétrer à nouveau avant de décoller !