Apollo 13 (Aquarius)

PUBLIÉ DANS RÉCITS > ASTRONAUTIQUE

Vous l’aurez compris, l’objectif de cette mission n’est plus l’exploration spatiale, mais la survie de nos trois astronautes !
(La suite du récit d’Apollo 13)

Logo officiel de la mission

Dans l’explosion, un panneau de près de 4 mètres de hauteur du module de service est éjecté et vient percuter l’antenne grand gain permettant une communication avec la Terre. Une autre antenne prendra le relais.

Du fait de la forme du module de commande (un cône) et de la position de ses hublots, il n’est pas possible de visualiser les dégâts sur un pan entier du module de service. Vous l’aurez remarqué lorsqu’on observe le train spatial dans son entièreté, il n’y a pas de panneaux solaires (source d’énergie alternative). Toute l’énergie nécessaire au bon fonctionnement du vaisseau provient de l’électronique (eau, oxygène, ergols pour survivre, batteries, piles à combustibles). Comment va-t-on faire pour corriger les trajectoires avec le maintien de l’orientation, ainsi que maintenir la stabilité thermique pour les hommes et pour le bon fonctionnement des différents composants du vaisseau ?

L’oxygène doit être en permanence renouvelé, car dans le cas contraire le taux de CO2 rejeté dans l’atmosphère conditionnée du vaisseau pourrait gravement grimper et mettre ainsi l’équipage en péril. A terre, on travaille d’arrache-pied pour ramener au plus vite les trois astronautes. En fait, c’est la stupéfaction. Nous vous parlions des piles à combustible dans le début de cette aventure et plus précisément du risque grandissant laissant fortement penser que la troisième pile à combustible allait rendre l’âme. En fait, Sy Liebergot (contrôleur de vol et responsable des équipements électriques et environnementaux du CSM) comprend qu’on ne remettra pas en fonction les piles en combustibles et que les réservoirs d’O2 sont perdus. Ce dernier demande alors au directeur de vol Gene Kranz d’empêcher la dernière pile à combustible encore opérationnelle de puiser dans le dernier réservoir d’oxygène qui contient le précieux gaz pour la survie des 3 hommes.

On tente bien de sauver la dernière pile à combustible, mais celle-ci décline à mesure que l’O2 s’épuise ! Il reste moins de 2 heures pour que la dernière pile à combustible soit définitivement inopérante. On va passer à 100 psi (ça fait presque 7 bars) et ce sera la fin.

Kranz comprend immédiatement la gravité de la situation. Il faut absolument que les 3 hommes se réfugient dans « Aquarius » (le LM) et quittent « Odyssée » (le CSM). Le plus grand sauvetage d’humains que toute la conquête spatiale ait connu va se dérouler maintenant. Bien sûr, il y a des procédures à respecter pour mettre en service le LM, car il ne reste que 15 mn d’électricité dans le CSM et il faut aligner la plateforme (navigation, propulsion, télécommunications et pilotage).

Le LM possède ses propres instruments de survie, son électricité, son système de guidage et de…………….. propulsion !!! C’est un vaisseau indépendant.

Jack Swigert, pilote du CSM

Heureusement, au début du programme Apollo, des simulations du Module Lunaire comme canot de sauvetage avaient été menées par la NASA. Le LM a toujours donné de bons résultats et même au-delà des attentes de la NASA.  A partir d’apollo 9, des essais de survie ont débuté.

Une heure après l’explosion du réservoir, le dysfonctionnement du module de commande affecte les batteries de rentrée atmosphérique (c’est pas bon ça !). Les batteries du module de commande doivent être suffisamment chargées pour permettre, lors du désacouplage de ce dernier avec le SM, l’entrée atmosphérique. Les systèmes non essentiels du module de commande sont coupés, sauf le système de guidage (ben oui, il fournit quand même les paramètres indispensables au retour du vaisseau).

Une procédure (procédure d’urgence 1-5) est rapidement lancée pour couper les batteries du CM afin de garder de l’énergie dans ces batteries, seule façon de pouvoir traverser l’atmosphère et d’amerrir ! Bon, là c’est fini de rire, faut démarrer au plus vite le module lunaire !

Petit aparté : vous allez nous dire pourquoi ils ne réallument pas le SPS (le moteur du module de service pour modifier trajectoire et vitesse) ? Avec les dégâts subis dans les environs immédiats de ce moteur central du SM, la NASA ne prendra pas la responsabilité de partir au petit bonheur la chance au risque de mettre en péril l’équipage ; et puis cela demande de l’énergie et des contraintes supplémentaires sur le vaisseau endommagé. 

1er boulot : on transfère les paramètres de guidage sur l’ordinateur de bord du LM avant de perdre l’électricité du module de commande ; faut se grouiller !!!
Pourquoi on vous dit cela, parce qu’en temps normal, l’allumage du Module Lunaire prend de 3 à 5 h. Il faudra y arriver en 1h30 !!! En outre, il faut aussi modifier les procédures d’allumage du LM. Il faut donc éteindre au plus vite le Module de Commande.

2ème boulot (ou 2ème galère, c’est comme vous voulez !) : il faut aligner le LM.
Il faut savoir précisément où se situe le vaisseau pour pouvoir se servir correctement du moteur de l’étage de descente du LM (et pas celui du moteur de l’étage de remontée, vous l’aurez compris). Car, sans situation (localisation) exacte du vaisseau (paramètres d’approche de l’orbite lunaire), on ne saurait pas quand et pendant combien de temps utiliser le moteur afin de se diriger sur une trajectoire correcte pour un retour sur terre.
Oui mais voilà, pour réaligner le vaisseau avec les nouveaux paramètres du LM, Jim Lovell doit se servir des étoiles comme repère. Mais des débris s’échappent encore du vaisseau endommagé et perturbent allègrement le ciblage de ces étoiles pour accéder au repositionnement (un peu comme les chefs de quart de la marine nationale, devant se servir de trois amers remarquables, afin d’établir une triangulation avec la rencontre en un point des trois droites sur une carte marine, ce qui leur permet de se situer précisément en mer). De toute façon, pas le choix, il faut transférer les données de guidage sur l’orientation du vaisseau du CM vers le LM. OBLIGATOIRE sinon direction l’espace interplanétaire comme suite !

Un peu de musique sur un poste radio avec Jim Lovell

Bon, pendant les derniers instants d’activité du CM, Swigert, à l’intérieur de ce dernier, crie carrément les paramètres des angles de positionnement à Lovell qui les rentrent manuellement sur l’ordinateur de bord du LM. Lovell, en responsabilité, avouera qu’il fera participer la terre pour procéder aux calculs afin de leur garantir des données de positionnement exacts.

Stabiliser la situation et gagner du temps

A ce moment-là, la NASA comprend qu’il faut aller à l’essentiel. La tension est palpable ; l’équipage connaît la gravité de la situation. Ce n’est pas le moment de continuer l’enquête sur l’accident, mais plutôt, et à partir de maintenant, de trouver la méthode pour se donner les moyens de rentrer au plus vite avec ce qu’on possède. Personne ne va craquer, des solutions précises et la perfection des actions vont devenir la règle. 

Et maintenant le gros morceau (non, un des gros morceaux !)

Si vous souhaitez avoir le choix du site d’alunissage en vous plaçant sur une orbite lunaire le permettant, vous choisirez la trajectoire hybride, ce qui vous permet de réaliser pas mal d’orbites lunaires avant votre décision. Un apolune (apocinthyon) presque égal à un périlune (péricinthion), et vous êtes sur l’orbite idéale, vous avez tout votre temps pour sélectionner l’endroit où vous allez poser vos bottes.

La NASA connaît aussi la trajectoire de retour libre, ce qui permet en cas d’avarie comme le cas présent de faire le tour de la lune et de revenir sur terre sans aucune correction de trajectoire à réaliser. Pratique en cas de pépin et pourtant il ne pleut pas dans l’espace ! C’est la fronde gravitationnelle.

Oui patron, sauf qu’après l’explosion du réservoir, Apollo 13 n’était plus sur une orbite de retour libre. « Aie, aie, aie ! », diraient les Gipsy Kings. Heureusement, la NASA avait déjà pensé au fait qu’avec le moteur du LM, il est possible de quitter l’orbite lunaire pour réaliser une injection trans terrestre. Il faut donc ABSOLUMENT se replacer sur une trajectoire de retour libre. 

Les ingénieurs conviennent qu’en fonction du lieu, de la trajectoire et de la vitesse qu’ils ont en leur possession à un moment bien précis, ils vont demander à l’équipage d’effectuer à l’aide du moteur de l’étage de descente du LM une manoeuvre de 16 pieds par secondes dans 37 minutes. A terre, Young et Mattingly entre autres s’affairent et donnent les instructions pour les corrections de trajectoire. Grumman, le constructeur du LM, avait par le passé réalisé des essais pour savoir si le LM, outre le fait qu’il soit assigné à se désolidariser du CSM, se poser sur la lune et remonter s’accoupler à ce dernier, pouvait à l’aide de son moteur de descente quitter l’orbite lunaire pour s’engager sur une trajectoire terrestre.

« J’ai les angles du cadran du LM ; les chiffres de correction d’assiette, de roulis sont envoyés et vous allez utiliser le moteur de descente à 10% pendant 5 secondes et le reste à 40%. »

Nous sommes le mardi 14 avril 1970, le lancement a eu lieu le 11 Avril.

CSM et LM couplés

Ils foncent vers la Lune, Aquarius, ça se présente bien. Arrêt automatique lors de la durée prévue ; Houston poussée terminée !

John Young et Deke Slayton allument leur cigare. Ils sont bel et bien de retour sur une trajectoire de retour libre sur terre. Conçu pour héberger deux hommes pendant 45 heures, le LM va les abriter 90 heures avec 1 homme supplémentaire. Jack Swigert, un SDF spatial en quelque sorte !

Il faut des consommables (eau, oxygène et électricité) pour tenir jusqu’à l’arrivée et le LM n’est pas prévu pour cela. Et, comme nous vous en avons déjà parlé, il y a le risque de la montée du taux de CO2 dans l’atmosphère de l’habitacle du LM qui est grand comme une cabine téléphonique et demie de l’époque. L’électricité et l’oxygène sont abondants dans le module lunaire, mais il faut de l’eau ne serait-ce pour refroidir les équipements électriques.

Des plaques de refroidissement sont installées à la construction pour recueillir un circuit d’eau afin de garder opérationnel cette ribambelle de circuits électriques nécessaires au bon fonctionnement du vaisseau. Malgré cette trajectoire de retour libre, ils vont être à court d’eau 5 heures avant la rentrée sur terre. Résultat, restriction d’eau pour les astronautes à 1/5 de leur consommation habituelle et coupures des systèmes non essentiels à bord du module lunaire. Un des grands points forts de ce sauvetage historique a d’ailleurs été la façon dont l’équipage a réussi à faire durer ces consommables.

Fred HAISE qui n’a pas très chaud!

Cette explosion s’est produite à une distance rapprochée de la lune (à 322000 km de la Terre). C’est une « aubaine » car 3 jours de voyages sont nécessaires pour couvrir la distance Terre-Lune. Si l’incident s’était produit peu après l’injection translunaire, les chances de survie de l’équipage auraient été réduites proches de zéro avec une mort quasi certaine des trois hommes. Par exemple, si l’explosion avait eu lieu lorsque les deux vaisseaux étaient désolidarisés, le sauvetage aurait été impossible; voilà pourquoi nous parlons d’aubaine aussi ici.

On est encore très loin de la terre et rien n’est gagné ! Aquarius traînant Odyssée se trouve sur la bonne trajectoire, les consommables sont stables ; pas si mal ! Entre-temps, les vaisseaux sont passés derrière la lune coupant ainsi toute communication avec la terre.

Il faut quand même raccourcir la durée de vol de retour initialement programmée à 155h. Une poussée 2h après la lune au bout de 79h de vol a pour résultat de produire moins de consommables et un splashdown le 17 avril dans l’océan pacifique plutôt qu’un océan indien moins fréquenté par les unités de secours.

Désolé pour la longueur du récit, il existe encore deux options concernant la trajectoire de retour libre :

Première option : Il y a la possibilité de raccourcir encore le temps de trajet retour de 36 heures, mais cela nécessite d’abandonner le module de service.
D’une part, on consommerait tout le carburant de l’étage de descente du LM et d’autre part, le bouclier thermique serait sans la protection du module de service et serait de ce fait exposé aux températures glaciales spatiales.
Cette exposition à des variations thermiques très importantes pourrait détériorer le bouclier (des fissures dans le revêtement de protection) et exposer les astronautes lors de la rentrée atmosphérique. Cela aurait de graves conséquences si le bouclier thermique ne joue plus son rôle et mènerait bien évidemment à une issue fatale pour les 3 hommes.

La seconde option semble la plus envisageable : juste une poussée du moteur de 4 min, on raccourcit la durée de 12 heures, ce qui permet de ne pas gaspiller tout le carburant et donc pouvoir effectuer des corrections de trajectoire. De plus, on protége le bouclier thermique avec l’extrémité du module de service bien collé à lui ! 

On s’arrête là pour le moment et on vous promet très prochainement une arrivée sur les braises ardentes.

De gauche à droite : Fred Haise, Jack Swigert et Jim Lovell

Didier