URANUS / OURANOS
PUBLIÉ DANS RÉCITS > MYTHOLOGIE
Uranus est une « géante de glace ». Elle est si lointaine (2 800 000 000 km) que les rayons du Soleil mettent plus de deux heures et demie pour lui parvenir, contre 8 minutes pour arriver à la Terre. 4 fois plus éloignée de notre étoile que Jupiter, elle reçoit 16 fois moins d’énergie. On comprend qu’il y fasse frais ! (-224°C)
Uranus et Neptune sont les planètes les plus éloignées du Soleil, mais aussi les moins étudiées : une seule et unique sonde spatiale, Voyager 2, a survolé Uranus le 24 janvier 1986, permettant une première étude assez élémentaire et les toutes premières photos de proximité. Uranus garde donc bien cachés encore de nombreux mystères. De même, le dieu Ouranos est une divinité très peu connue : seul Hésiode la mentionne sans en donner aucune description ni définition.
Dans la mythologie grecque, en particulier dans les récits de cet aède du 8e siècle av. J.C., théogonie et cosmogonie se confondent : en racontant la naissance des dieux, les mythes décrivent de façon métaphorique la genèse de l’univers ainsi que les phénomènes de la nature que les Anciens ne pouvaient expliquer. La mythologie est une religion, mais elle est aussi et surtout la science des premiers âges.
L’ordre des planètes en partant du Soleil nous oblige à remonter le temps vers les origines mythologiques de l’univers. Nous avons commencé par les dieux les plus jeunes, ceux de la quatrième génération, les fils de Zeus : Hermès (Mercure), le chouchou de son papa et Arès (Mars), l’enfant terrible. Après un détour obligatoire par Aphrodite (Vénus), omniprésente dans le monde des dieux comme dans celui des hommes, et un bonjour à Gaïa (la Terre), notre mère à tous, nous avons vu le grand Zeus (Jupiter), le père des dieux et des hommes, le roi de l’Olympe. Puis nous avons remonté l’ordre généalogique pour trouver Cronos (Saturne), père de Zeus, grand-père de Mars et Hermès, pour arriver enfin à Ouranos (Uranus), leur arrière-grand-père et Gaïa, l’origine du monde.
Nous avons vu que Gaïa, la Terre Mère, conçoit seule, animée par l’énergie vitale de l’Amour, Eros, les premiers éléments de l’univers : Pontos aux Flots bouillonnants et Ouranos, le Ciel. En s’unissant à celui-ci, Gaïa engendre un grand nombre d’enfants, à commencer par des monstres dévastateurs, les trois Cyclopes à l’œil unique et les trois Hécatonchires aux cinquante têtes et aux cent bras. Puis viennent les douze Titans, six filles et six garçons, mieux réussis mais tout aussi violents. Ceux-ci sont représentés sous une forme humaine et sont les premiers véritables dieux, des individus doués de volonté et d’intelligence, et non plus des entités abstraites. Gaïa les engendre, mais elle ne peut pas les mettre au monde !
En effet, Ouranos hait ses enfants, au point de les empêcher de voir le jour. Il les garde enfermés dans les entrailles de Gaïa qui, bientôt, n’en peut plus de tous ces êtres prêts à naître mais retenus en son sein par leur père qui ne se sépare pas d’elle, reste intimement collé à elle. Il ne fait qu’un avec sa mère qui est aussi son épouse, empêchant le Cosmos de se développer. C’est comme si, aujourd’hui, nous disions qu’une épaisse couche d’une atmosphère dense enveloppait étroitement la Terre, empêchant l’apparition de la vie.
Gaïa veut se débarrasser de son époux pour pouvoir enfin donner le jour à ses enfants. Elle conçoit un plan terrible qu’elle leur dévoile. Mais tous craignent leur père et refusent d’agir, de peur de provoquer sa colère. Tous sauf un, le plus jeune, Cronos le fourbe qui, depuis sa conception, déteste ce père indigne. Il accepte d’accomplir l’horrible besogne, trop content de se venger d’avoir été enfermé.
Avec le métal et le feu qui sont au plus profond de ses entrailles, dans son sous-sol, Gaïa forge une faux immense « aux dents acérées » qu’elle met entre les mains de son fils. Quand Ouranos enveloppe Gaïa pour s’unir à elle, Cronos sort de sa cachette et, armé de sa faux, d’un grand geste il mutile son père et jette derrière lui « sa honteuse dépouille » (sic !). L’horreur !
Dessin : Patrick Coulon – Cliquer pour agrandir
Le sang de la blessure se répand sur Gaïa, la Terre, donnant naissance à de redoutables divinités, parmi lesquelles les terrifiantes Erynies, divinités de la haine et de la vengeance, qui infligent des tourments sans fin à ceux qui ont commis des crimes au sein de leur propre famille : elles siffleront toujours aux oreilles de Cronos ! Cependant, même si Ouranos est castré, son sperme reste fertile : les « divins débris » (sic bis) sont tombés sur Pontos, les Flots, et se transforment en écume qui couvre la crête des vagues. C’est cette écume qui donnera naissance à la sublime Aphrodite, déesse de la Beauté et de l’Amour. Enfin une belle réussite !
Naturellement, sous l’effet de la douleur atroce de la mutilation, Ouranos se sépare définitivement de Gaïa et forme la voûte étoilée loin au-dessus de la Terre, trouvant sa place dans l’univers et libérant enfin un espace où s’épanouiront les dieux, la nature et plus tard, les hommes que Zeus créera pour peupler la Terre.
Cronos libère donc ses frères les Titans et ses sœurs les Titanides qui peuvent enfin sortir de l’obscurité, mais il se garde bien de libérer ses autres frères, Cyclopes et Hécatonchires, ces créatures monstrueuses qu’il laisse enchaînées dans les Enfers. Cela pourrait être une avancée vers un Cosmos harmonieux, mais ce n’est qu’un petit pas en avant car la violence et le désordre sont inhérents à la nature des Titans. La guerre des dieux est inévitable et elle aura bien lieu.
En somme, Ouranos imposait l’immobilité, l’immuabilité, tandis que Gaïa veut créer le mouvement, la dynamique, la vie, quitte à ce que cette vie soit fatalement accompagnée de désordre. Et elle y parvient ! Ce que femme veut…
Parmi les planètes géantes, on distingue les deux géantes gazeuses, Jupiter et Saturne, et les deux géantes glacées, Uranus et Neptune.
En chiffres :
- Distance au Soleil : 2,87 milliards de km, soit 19,2 UA
- Diamètre : 51 118 km soit près de 4 fois celui de la Terre
- Vitesse orbitale : 6,8 km/s contre 30 km/s pour la Terre
- Révolution (ou année sidérale) : 84 ans et 7 jours
- Rotation (ou jour sidéral) : 17h14
- Vitesse de rotation : 2,7 km/s
- Température au sol : -193°C et jusqu’à -224°C
- Lunes : 27 connues, dont les plus importantes sont Ariel, Umbriel, Titania, Obéron et Miranda
- 13 anneaux
Uranus est la 7e planète du système solaire, la 3e géante gazeuse, mais aussi la 1ère planète découverte à l’aide d’un télescope ! L’auteur de cette découverte est William Herschel, l’un des astronomes les plus importants de son époque dont il faut dire quelques mots.
Wilhelm Herschel (1738 – 1822) est originaire de Hanovre en Allemagne du nord. Musicien de formation, il est à la fois compositeur, organiste, hautboïste et violoniste. En 1756, il part s’installer en Angleterre, rejoint plus tard par sa jeune sœur Caroline. Il s’intéresse puis se passionne pour l’astronomie mais, insatisfait de la qualité des télescopes de son époque, il commence à les construire lui-même. Après différents essais, il obtient des instruments d’une bien meilleure qualité grâce à des miroirs concaves façonnés en bronze qu’il polit lui-même pendant 16 heures, sans interruption : c’est sa sœur qui lui donne la becquée !
C’est ainsi qu’il observe les six planètes connues depuis l’Antiquité, parce que visibles à l’œil nu, et réalise des découvertes importantes concernant surtout Mars, Jupiter et Saturne. Il construit un télescope de 2m30 de focale et de 160mm d’ouverture, avec lequel il continue d’étudier le ciel, assisté de sa sœur qui, de son côté, découvre 8 comètes. Avec ce télescope, le 13 mars 1781, Herschel aperçoit ce qu’il prend d’abord pour une comète et qui s’avère être une 7e planète. Il veut la baptiser Georgium Sidus, l’astre de George, en l’honneur du roi d’Angleterre George III, alors qu’en France on préfère l’appeler la Planète Herschel, inimitié oblige. Finalement, faisant suite à Jupiter et Saturne, elle sera Uranus. Et en 1787, William Herschel découvrira encore deux des satellites de cette lointaine planète : Titania et Obéron.
Georgium Sidus, pardon, Uranus ! Au lieu d’avoir une épaisse couche de gaz devenant liquide puis métallique dans les couches inférieures à cause de la pression, les planètes glacées possèdent, entre un noyau rocheux et leur atmosphère, un manteau constitué d’éléments glacés (eau, ammoniac, méthane) sous une forme liquide : la condensation de ces éléments chimiques en « glaces » a lieu à des températures extrêmement basses, comme celles que connaît Uranus.
A l’instar de ses grandes sœurs, cette planète possède une atmosphère essentiellement constituée d’hydrogène (83%) et d’hélium (5%), mais aussi de méthane (2%). Il est remarquable qu’une petite quantité d’un élément produise de grands effets : c’est la présence de seulement 2% de ce gaz qui est responsable de la couleur bleu-vert d’Uranus. En effet, le méthane, plus abondant que sur Jupiter et sur Saturne, absorbe la lumière dans le rouge et l’infrarouge et ce sont les couleurs à courte longueur d’onde, tels le bleu et le vert, qui sont réfléchies.
Comme sur les géantes gazeuses, l’atmosphère d’Uranus est très agitée, quoiqu’elle apparaisse d’une couleur uniforme dans un télescope. Pourtant, la rotation rapide de la planète engendre bel et bien une structure en bandes qu’on ne distingue qu’en lumière infrarouge, seule capable de traverser la couche de brume qui enveloppe Uranus. La vitesse de rotation est aussi à l’origine de phénomènes atmosphériques extrêmes tels que des vents violents soufflant jusqu’à 900 km/h, des orages et des tempêtes gigantesques, mais aussi des aurores polaires puisque Uranus possède, comme toutes les planètes géantes, un puissant champ magnétique.
La particularité la plus remarquable d’Uranus est la façon dont elle tourne sur elle-même : son axe de rotation par rapport à la perpendiculaire au plan de son orbite est de 98° (la Terre : 23°). Autrement dit, Uranus tourne autour d’un axe presque parallèle au plan de son orbite. C’est ce qui lui a valu ses surnoms de « planète couchée » ou « boule de billard ». Et ses anneaux tout comme ses satellites tournent selon un plan parallèle à son équateur. Mais pourquoi cette position couchée ? L’hypothèse la plus vraisemblable serait une collision avec un objet massif peu de temps après la formation de la planète.
Cette orientation produit des saisons extrêmes : l’année sidérale d’Uranus étant de 84 ans, ses pôles sont alternativement 42 ans au soleil et 42 ans dans l’obscurité. On pourrait donc s’attendre à des différences de température considérables. Il semblerait qu’il n’en soit rien : la circulation atmosphérique est telle que, entre le côté lumière et le côté ombre, les variations de température sont minimes.
Les anneaux d’Uranus sont minces, avec un albédo très faible (0,05). Très sombres (et très lointains !), ils sont indiscernables pour notre œil. Dans ce cas, comment les a-t-on découverts 9 ans avant le passage de la sonde Voyager 2 ?
Cela fait maintenant plusieurs décennies que des équipes de chercheurs observent les occultations stellaires par des planètes, des satellites ou des petits corps. Le phénomène d’occultation se produit lorsqu’un astre passe devant un objet plus lointain dont le diamètre apparent est plus petit que le sien, par exemple quand une planète du système solaire passe devant une étoile. (Par contre, si l’astre au 1er plan est plus petit que celui devant lequel il passe, on parle de transit.)
Le 10 mars 1977 a lieu une occultation stellaire par Uranus qui devrait permettre l’étude de son atmosphère. L’astronome américain James Elliot mobilise son équipe pour cette observation. Et là, surprise ! Avant et après l’occultation, la courbe de lumière montre deux séries de brèves chutes de lumière, symétriques par rapport à l’occultation par la planète : les anneaux d’Uranus viennent d’être découverts ! Leur existence sera confirmée en 1986 par la sonde spatiale Voyager 2.
Constitués de poussières, mais principalement de particules et de blocs de glace, ces anneaux sont minces, séparés par de grandes divisions et dotés de bords bien définis. Comme pour Saturne, ce sont de petites lunes qui assurent leur stabilité grâce à leur force de gravité, telles Cordélia et Ophélie (oui, du nom de personnages shakespeariens) qui jouent le rôle de « bergers » de chaque côté de l’anneau epsilon. Cet anneau présente une autre particularité, il n’est pas régulier : d’un côté il est épais, sombre et ne mesure que 20 km de large, tandis que du côté opposé il est très fin, presque transparent et s’étend sur 96 km. Les anneaux d’Uranus sont divisés en deux groupes principaux : les anneaux intérieurs, étroits et sombres, de couleur grise, et les anneaux extérieurs, larges et plus brillants, bleus et rouges selon les photos prises par le télescope Keck en 2006.
En plus des anneaux, Uranus possède elle aussi des lunes. Nous lui connaissons 27 satellites naturels, chacun ayant des caractéristiques différentes. Les 5 principaux (Miranda, Ariel, Umbriel, Titania et Obéron) présentent des surfaces allant de terrains chaotiques, cratérisés, jusqu’aux paysages glacés marqués de profonds canyons. Ainsi, la surface de Miranda est chaotique avec des cratères, des plaines, des falaises, des terrasses, des canyons… Bien qu’elle n’ait que 472 km de diamètre, ses gorges atteignent jusqu’à 20 km de profondeur, soit 10 fois plus que le Grand Canyon du Colorado !
Si Ariel est la lune la plus brillante grâce à ses vastes plaines glacées, Umbriel est la plus sombre et sa surface est couverte de cratères d’impact, donc très ancienne. Certains de ces cratères présentent des dépôts brillants en leur centre, peut-être des matériaux remontés de l’intérieur du satellite. La couleur sombre d’Umbriel pourrait être due à la « thonine », matière organique produite par l’action des rayons solaires sur le méthane. Hypothèses…
Titania est la plus grande des 5 lunes principales (1 580 km de diamètre). Failles et canyons gigantesques raient sa surface sur des centaines de km. Ces fractures à grande échelle sont peut-être le résultat d’une expansion et d’un refroidissement internes. Titania pourrait posséder encore aujourd’hui un ou plusieurs océans souterrains : une activité cryovolcanique expliquerait la composition de sa surface, principalement de la glace d’eau et de la roche. Hypothèses…
Par la taille, Obéron est presque la jumelle de Titania, mais sa surface est sombre et cratérisée comme celle d’Umbriel avec des canyons comme sur Miranda, peut-être le siège de mouvements tectoniques : un melting-pot ! Là aussi, les chercheurs en sont au stade des hypothèses et ils attendent avec impatience le lancement d’une nouvelle mission qui pourrait avoir lieu dans une dizaine d’années…
UOP, Uranus Orbiter and Probe, la future sonde de la NASA vers Uranus devrait décoller entre 2035 et 2040 pour profiter d’une distance minimale vers la 7e planète. Son voyage durera entre 11 et 13 ans et l’on comprend que la NASA préfère recruter des scientifiques jeunes pour cette mission. Uranus et Neptune sont les planètes pour lesquelles on a le moins d’informations. Or la moitié des exoplanètes découvertes à ce jour sont des planètes glacées, d’où l’intérêt pour Uranus et l’importance de cette mission à laquelle l’ESA pourrait être associée. Wait and see.
Marie-Hélène