Vénus / Aphrodite : La Beauté et l’Amour
PUBLIÉ DANS RÉCITS > MYTHOLOGIE
Vénus est la deuxième planète la plus proche du Soleil, après Mercure, et c’est celle qui est la plus proche de la Terre par la distance (42 millions de km), par la taille (95% du diamètre de la Terre) et par la masse (80%). Mais là s’arrête la similitude avec la planète bleue car Vénus n’a rien d’un paradis, même si elle est l’un des astres les plus brillants de notre ciel : sous nos latitudes, hormis la Lune, seule l’étoile Sirius la dépasse en magnitude apparente.
Etant, à l’œil nu, la plus belle planète du système solaire, il n’est pas étonnant qu’on lui ait donné le nom de la déesse de la beauté. Visible soit le matin à l’est avant le lever du soleil, soit le soir à l’ouest après le coucher, on lui a donné le joli nom d’Etoile du Berger parce qu’elle apparaît à l’heure où le berger doit sortir, respectivement rentrer son troupeau. Poétique mais faux. Ce n’est pas une étoile ! C’est mieux encore… Voici quelques petites histoires de mythologie concernant la belle déesse.
Aphrodite (Vénus pour les Romains), déesse de la Beauté et de l’Amour, est née de façon très étrange, comme tous les dieux grecs et en particulier les dieux primordiaux. Elle est fille de l’écume de la mer (en grec, aphros signifie écume) mêlée au sperme d’Ouranos répandu sur les flots. C’est une jeune fille absolument sublime qui en émerge et qui devient aussitôt la déesse de la Beauté.
L’harmonie parfaite de son corps en fait très tôt un sujet de prédilection des sculpteurs et des peintres, de tous temps et en tous lieux. Ainsi, nous avons tous en tête le tableau de Botticelli (XVe siècle) intitulé « La Naissance de Vénus ». La déesse arrive sur les flots, debout dans un coquillage géant. Poussée par les divinités du vent, Zéphyr et Aura, elle approche de l’île de Cythère où la nymphe du printemps, Chloris, lui tend un manteau brodé de fleurs. Elle est représentée entièrement nue, avec pour seuls atours sa longue chevelure blonde.
Mais bien avant Botticelli, au IVe siècle avant JC, le génial Praxitèle a sculpté une merveilleuse statue d’Aphrodite en marbre blanc rosé de Paros, statue dont la beauté était si parfaite que, selon de nombreux récits, les hommes ne pouvaient la regarder sans en tomber amoureux. Ici aussi, la déesse est représentée entièrement nue. Ce serait d’ailleurs le tout premier nu de la statuaire antique. En effet, si les jeunes hommes ( kouroï) étaient représentés nus, les jeunes filles (korès) étaient toujours vêtues de tuniques. Plus ou moins transparentes il est vrai.
Bien sûr, Aphrodite est aussi la déesse de l’Amour. Elle inspire le désir, elle préside aux premiers émois innocents, aux mots tendres, aux caresses, jusqu’aux plaisirs des jeux érotiques (aphrodisia). Toutes les créatures, qu’elles soient mortelles ou immortelles, tombent sous son charme et se soumettent à son pouvoir. Seules trois déesses résistent à son appel : Athéna, déesse de l’intelligence et de la guerre ; Artémis, déesse de la chasse ; Hestia, déesse du foyer. Même Zeus, le roi des dieux, succombe au pouvoir irrésistible de l’amour et s’unit à des déesses, des nymphes, des mortelles… Une véritable hécatombe ! Aphrodite sème le chaos là où Zeus s’efforce d’établir l’ordre.
La déesse présente en effet un visage complexe, ambigu. Éris, déesse de la discorde et fille de la Nuit, est souvent à ses côtés : la haine et la vengeance ne sont jamais loin de l’amour. Ainsi, c’est Éris qui a proposé à Pâris de désigner la plus belle des déesses en lui offrant une pomme : Athéna ? Héra ? Ou Aphrodite ? Évidemment, le prince troyen choisit cette dernière et lui présente la Pomme de la Discorde. En remerciement, Aphrodite lui promet l’amour de la plus belle des mortelles, la Belle Hélène que Pâris s’empresse d’enlever à son mari ! Ce sera la Guerre de Troie.
Faut-il donc se méfier d’Eros, le fils d’Aphrodite, cet enfant joufflu à l’air innocent qui, les yeux bandés, décoche ses flèches aveuglément et frappe sans discernement ?
La plus belle des planètes ? Peut-être, mais certainement pas la plus accueillante !
En chiffres :
- Distance au Soleil : 108 millions de km (la Terre est à 150 millions de km)
- Diamètre : 12 104 km (la Terre : 12 742 km)
- Vitesse orbitale : 35 km/seconde (la Terre : 30 km/s)
- Durée de la révolution : 225 jours terrestres (la Terre : 365 jours)
- Durée de la rotation : – 243 jours, en sens rétrograde ( la Terre : 24 heures)
- Température : jusqu’à 470° C (la Terre : ça dépend…)
- Noyau de fer solide, rayon : 2 900 km
Dès la plus haute antiquité (voire même la préhistoire), la planète Vénus était connue et reconnue dans le ciel comme en témoignent des peintures et des gravures rupestres. C’était un astre facile à repérer parce que très brillant mais dont la course restait un mystère. Il fallut attendre que Galilée tourne sa lunette vers le ciel pour en avoir une explication.
Une petite digression à propos de la « lunette d’approche » : le principe en fut inventé en 1608 par un opticien néerlandais, Hans Lippershei, mais sa lunette donnait une image floue et ne grossissait les objets que 3 fois. Galilée la transforma un tant soit peu et la perfectionna au point d’obtenir en 1609 une lunette qui grossissait 9 fois et donnait des images nettes. Il offrit son instrument au Doge de Venise afin que les Vénitiens puissent surveiller les vaisseaux amis ou ennemis qui s’approchaient de la Sérénissime.
Peu de temps après, il a l’idée géniale de tourner sa « lunette d’approche » vers le ciel et d’en faire par là même une lunette astronomique. Ce qu’il voit dépasse l’imagination ! Et surtout, en 1610 il découvre un premier phénomène qui contredit la vision géocentrique de l’univers décrite par Aristote (IVe siècle av JC), admise par l’Eglise et imposée comme seule vérité. Quand il observe Vénus, Galilée constate qu’elle présente des phases successives, comme la Lune, et il en fait des croquis qui montrent clairement le changement de diamètre apparent de Vénus. Ces phases sont dues au «transit» de la planète, c’est-à-dire son passage entre la Terre et le Soleil. Quitte à se faire condamner par l’Inquisition, il écrit à Kepler pour lui dire que Copernic (XVIe siècle) avait raison : c’est la Terre qui tourne autour du Soleil et non l’inverse. Merci Vénus !
Revenons à Vénus. Deuxième planète tellurique (rocheuse) en partant du Soleil, cette (presque) jumelle de la Terre par sa taille et par sa masse est en réalité une fausse jumelle absolument invivable ! Si elle brille si fort, c’est parce que son atmosphère réfléchit parfaitement la lumière du Soleil : son albédo est de 0.77, donc très élevé. L’albédo est la fraction de lumière réfléchie par un objet, il s’étend de 0 (toute la lumière est absorbée) à 1 (toute la lumière est réfléchie). Ainsi l’albédo de la Terre est 0.31 et celui de la Lune ou de Mercure dont la surface est couverte de régolithe (ou régolite) très peu réfléchissant, dépasse à peine 0.07 ! On peut dire que l’atmosphère de Vénus réfléchit 77 % de la lumière du Soleil, tandis que la surface de la Lune ou de Mercure seulement 7 %.
C’est justement son atmosphère qui fait de Vénus un enfer. D’une part, elle est si dense qu’elle exerce une pression de 90 bars : c’est celle que l’on trouve à 1 000 mètres de profondeur dans nos océans, 100 fois celle que nous supportons en surface ! Impossible !
D’autre part, l’atmosphère vénusienne, composée à 97 % de dioxyde de carbone (CO2) avec d’épais nuages d’acide sulfurique, provoque un effet de serre tel que la chaleur y reste prisonnière et que la température s’élève à 470°C. C’est le record absolu dans notre système solaire. Invivable !
Enfin, si les vents sont très faibles en surface, il en va tout autrement en altitude : entre 30 et 68 km d’altitude, ils soufflent à plus de 350 km/h, tournant autour de la planète 50 fois plus vite que la planète elle-même ! Si Vénus met 243 jours pour effectuer une rotation, son atmosphère ne met que… 5 jours. Les vents vénusiens sont plus violents que les vents cycloniques !
Aller sur Vénus ? Non merci ! Cela signifierait être immédiatement écrasé, asphyxié, brûlé… What else ?
Autre curiosité : la vitesse de rotation de Vénus, déjà très lente et inversée (rotation dans le sens horaire) par rapport à tout ce qui tourne, au moins dans notre portion d’univers (sens anti horaire), cette vitesse diminue ! La planète tourne de moins en moins vite sur elle-même. C’est ce qu’a découvert et mesuré la sonde Venus Express de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) lors de sa mission entre 2006 et 2014. Selon un groupe de chercheurs de l’UCLA (University of California Los Angeles), ce ralentissement serait dû au frottement d’une onde de pression de plus de 10 000km de long née dans la haute atmosphère de Vénus, avec ses montagnes qui culminent au Mont Maxwell à 11 000 mètres d’altitude.
En somme, entre Mercure qui rétrécit, Vénus qui ralentit, la Lune qui s’éloigne de la Terre… qu’en est-il de la stabilité de l’univers prônée par Aristote et toutes les religions occidentales à sa suite ? Tout bouge, tout change, rien n’est fixe.
Le monde n’est plus ce qu’il était !
Marie-Hélène