Apollo 13 (On rentre !)

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Je vous en parlais lors du deuxième volet de cette saga : lorsque l’équipage absorbe de l’oxygène, il rejette du dioxyde de carbone. Si on ne fait rien, ce CO2 rejeté s’accumule dans l’espace confiné du vaisseau. C’est un poison lent ; les astronautes vont devenir léthargiques puis ils vont somnoler, s’endormir pour ne plus se réveiller.

(La suite du récit d’Apollo 13)

Les modules sont équipés de cartouches de purification. L’air passe à travers des cristaux d’hydroxyde de lithium, une réaction chimique se fait et ça retire le CO2 sous forme solide et l’air qui en ressort est respirable. Le module de commande est équipé de ces cartouches de purification ainsi que le module lunaire.

Mais comme, je l’ai cité la dernière fois, le LM est prévu pour 2 hommes pendant 45 heures et ici la prolifération de CO2 sera trois fois plus conséquente.

Malheureusement, le LM et le CSM n’ont pas le même constructeur ; ce qui signifie que les filtres qui permettent de régénérer l’air sont différents. Les cartouches du CM sont carrées et celles du LM sont rondes. Bon, ben faut que ça rentre quand même ! Allez, il faut aller chercher les ingénieurs spécialisés en systèmes de survie. Tout ce qui se trouve à bord est noté sur un inventaire.

Un adaptateur va être créé ! On commence par un tuyaux de combinaison, des sacs plastiques, des plans de vol cartonnés. Pour maintenir tous ces éléments hermétiques, il faut l’arme secrète de la NASA : LE RUBAN ADHÉSIF.

Le filtre dans les mains de Deke Slayton

Vous voulez immobiliser un stylo, un outil ou une liste d’instructions ; un coup de scotch, et le tour est joué ! Houston va envoyer la procédure aux astronautes afin qu’ils réalisent le montage de cette « boîte aux lettres ».

« Coupez un morceau de cette taille et ajustez la avec tel élément. »

Le précieux appareil réalisé à terre a fonctionné pendant 3 heures et cela semble marcher. Le même appareil monté dans l’espace verra 1 heure après son début de fonctionnement le taux de CO2 diminuer. Quatre des cartouches du module de commande ont été utilisées.

Nous en sommes au total depuis la Terre à 96h 03mn et Apollo 13 fonce vers la Terre.

On respire à nouveau à bord d’Aquarius ! Mais, un problème se règle, un autre pointe le bout de son nez ! L’équipe dynamique de vol perçoit une dérive de la trajectoire de l’appareil. Certes, cette dérive est légère mais pourtant, elle pourrait avoir des conséquences dramatiques selon l’angle par lequel le vaisseau entrerait dans l’atmosphère. Ils arrivent par un angle trop faible, se rapprochant de l’atmosphère presque en parallèle ; ce qui risque de faire ricocher la capsule et de la perdre à jamais avec ses occupants dans le vide spatial.

Une poussée très précise doit être effectuée pour faire une rentrée réussie ; car si à l’inverse, la trajectoire du vaisseau devenait presque perpendiculaire à la couche d’atmosphère, le bouclier thermique ne résisterait pas à une rencontre presque frontale avec le bleu de notre ciel ! Le moteur de descente du LM va être une fois de plus mis à contribution.

Oui mais voilà, l’électricité a été coupée après la dernière mise en route du moteur afin d’effectuer une poussée de rectification de trajectoire et de vitesse. Il faut corriger l’angle de rentrée.

Quels sont les repères pour corriger l’angle ? Le soleil et la Terre comme référence. La procédure normale serait d’utiliser le système de guidage et c’est seulement en cas de problème que la procédure de secours serait utilisée. Pas d’électricité pour le système de guidage, il faut utiliser un système de guidage secondaire ; cette procédure aidera l’équipage à positionner le vaisseau pour une poussée précise. Mais auparavant, il faut calibrer avant utilisation. Cela n’a été fait qu’une fois dans les tests par le passé et qui l’a réalisé ????? Jim Lovell !!

Bingo, sur Apollo 8, le test avait été réalisé en se servant du terminateur de la Terre (limite entre la zone éclairée et la zone sombre de la Terre) pour orienter le vaisseau et de la position du Soleil pour l’orientation et l’assiette (on monte ou on descend le nez de l’appareil). A l’aide de ces nouvelles données, on peut corriger l’angle de rentrée dans l’atmosphère. Vive le terminateur, il permet de faire des alignements précis.

105H de mission et l’ordre est donné de rallumer le moteur du LM ; Jim n’en revient pas d’utiliser une vieille méthode expérimentale.

La cible se situe au centre de la ligne qui réunit les deux cornes de la Terre. Il faut tenir cette orientation par le biais du télescope COAS qui sert normalement à orienter le LM pour les manoeuvres CSM/SURFACE LUNAIRE/CSM. Jack est au chrono, il dit quand allumer et stopper le moteur. Fred s’occupe de l’assiette et Jim du roulis (une rotation sur son axe longitudinal, lorsque les avions disent « bonjour » par exemple !). Ce sont des gens qui ont pris l’habitude de prendre des décisions rapides, précises et exactes dont dépendent leur vie.

Bon, ben, 3,2,1 FEU ; allumage moteur, la poussée est bonne et STOP ; that’s good !

Aquarius, vous êtes en bonne voie !

Vous vous souvenez, il faut rallumer les batteries du CSM car on ne rentrera pas dans l’atmosphère avec le LM ; il n’est pas conçu pour cela ! Les batteries du module de commande sont importantes ; elles permettent de donner l’impulsion pour la séparation du SM et du CM.

Lors de la séparation, on perd l’électricité générée par les piles à combustible (elles sont dans le module de service), il reste donc les batteries du module de commande qui sont déterminantes pour gérer l’entrée atmosphérique. Bien, il faut recharger les batteries de rentrée de la capsule Odyssée et comment ? Hourrah, lors de la mission Apollo 10, une procédure a été testé, celle de transférer de l’électricité des batteries du LM vers le CM et bien devinez ?? On va reproduire l’exercice !

Encore une réussite, on a réussi à transférer l’énergie du LM dans le chargeur des batteries du module de commande ; rechargeant ainsi les 3 batteries du CM. De 20 ampères/heure, on passe à 40 ampères/heures, soit une charge complète. L’équipage est à bout de force et on continue de cette façon 5 heures avant la rentrée atmosphérique.

Le module de service est HS et va être largué et c’est ainsi que pour la première fois, l’équipage va être en mesure de voir les dégâts occasionnés par cette explosion.

Un module de service en piteux état

Jim et Fred, situés dans le module lunaire, larguent le module de service quand Jim crie « FEU » et c’est la première et la dernière fois qu’un module lunaire sera largué à l’approche de la Terre après le largage du module de service. Jack envoie le SM vers l’espace. Jim prend des photos et il manque un pan entier du vaisseau !

Il faut rallumer le module de commande et trouver la procédure qui va avec ! Problème, cette fois-ci, la NASA ne s’est jamais retrouvée en vol avec un CM éteint à zéro, il faut tout rallumer de A à Z.

IMAGINEZ-VOUS ! UN ÉQUIPAGE À BOUT DE FORCE QUI VA VÉRIFIER CHAQUE INTERRUPTEUR ET CHAQUE DISJONCTEUR MAIS AVEC UN COURANT ET UN TEMPS LIMITÉS !!! LE COMBLE ! IL FAUT RÉALISER CELA PAR DES TEMPÉRATURES GLACIALES À BORD DU CM !

N’oublions pas que le maintien de la température a été stoppé depuis longtemps maintenant et que seul le LM conservait des températures acceptables. Les astronautes expirent de la vapeur d’eau qui se condense sur les murs et dégoulinent sur les fenêtres. En plus du froid, de l’humidité à gérer qui, au passage, aurait pu atteindre le système électrique et provoquer des courts-circuits. Et ici, précisément, il est temps de saluer les tests de la mission Apollo I qui, comme vous le savez tous, s’est soldée par un drame.

Après l’accident d’Apollo I, les câblages, les matériaux inflammables et les interrupteurs qui se sont enflammés notamment par une atmosphère composée d’oxygène pur ont été traités et sont devenus par la suite ininflammables. Grâce à ces isolants, cette condensation ne va pas court-circuiter la capsule d’Apollo 13 et ses systèmes de rentrée. Merci Apollo I.

La rentrée atmosphérique est imminente malgré l’état dans lequel se trouvait le bouclier thermique.

Des gens au sol et dans l’espace ont fait l’impossible pour que tout le monde soit à la maison pour cette dernière quinzaine d’Avril 1970.

Ils en rigoleront plus tard quand Lovell, installé seul dans le LM et voyant le disque terrestre grossir à vue d’oeil demandant à Swigert et à Haise dans le CM : « Dites les gars, vous avez bientôt fini ; j’ai hâte de vous rejoindre ! ». Jim quitte enfin le module lunaire, ferme l’écoutille qui permet l’accès entre les deux vaisseaux et rejoint ses camarades dans le module de commande.

Largage du module lunaire, il faut que le bouclier thermique tienne maintenant ; tout le monde se bouffe les doigts !

Nous sommes une heure avant la rentrée ce 17 Avril 1970. On sort d’un canot de sauvetage où nous avons demeuré 4 jours dans un inconfort sérieux ! Nous pouvons saluer la flexibilité et la fiabilité du module lunaire Apollo. Une phrase de l’équipage :  » Adieu AQUARIUS, merci pour tout ! »

Nous sommes à 141 heures et 31 minutes de vol ; largage du LM. Les escarpements de la région de Fra Mauro attendront ; Lovell dira que les leçons tirées de cette mission en valaient la peine.

Rentrée atmosphérique et perte de contact avec le QG au sol. Le fameux Black-out débute ! Le bouclier thermique va-t-il supporter encore cet effort loin d’être négligeable ?

Encore une minute avant la reprise du contact. Kranz, le regard sévère, Mattingly presse sa joue avec sa main !!

« Odyssée, ici Houston, à vous »

Young plie ses lèvres !

3 parachutes, une capsule à l’écran, applaudissements !!!

« Odyssey, ici Houston, on vous voit à l’écran ! »

Le navire Iwo Jima récupère la capsule et l’équipage sain et sauf. La  salle des opérations est pleine à craquer ! Mc Divitt rit aux éclats, on voit le sourire retrouvé de Kranz. Ils ont sauvé leurs astronautes !

Coopération, coordination et sens de l’initiative seront à retenir pour qualifier cette mission absolument admirable. Les cigares se multiplient dans cette salle de contrôle ; ils ont réussi ! L’échec n’est pas une option. Science, physique et ingénierie, une recette approuvée !

Malgré les drames et les difficultés, le programme Apollo va perdurer !

Didier