Apollo 12 (3ème et dernière partie)

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Nous sommes le matin du 20 Novembre, 9h30 (heure de Houston), Alan et Pete viennent de terminer leur première EVA, couverts de poussière odorante (ça sent la poudre à canon) !

Une brève « nuit » de repos est prévue. Bean, inquiet, n’arrive pas à fermer l’œil alors que Conrad dort comme un loir dans des…….hamacs ! Souvenez-vous, les astronautes d’Apollo 11 se reposaient à même le sol ou sur le couvercle du moteur de remontée de l’étage supérieur du LM. Pete avait expliqué à Alan sa philosophie : « Pas la peine de te faire du souci, si on a un problème, ce sera forcément celui auquel tu n’auras pas pensé avant. »

Nos deux hommes s’apprêtent à effectuer une seconde EVA de 4 heures. Objectif ? L’emplacement de la sonde Surveyor 3 et une randonnée d’environ un kilomètre et demi parmi les cratères du voisinage !

Mais auparavant, on part à l’opposé, direction Ouest, à 80 mètres du LM vers le cratère HEAD (120 mètres de diamètre). Bean porte à la main le HTC (Hand Tool Carrier) ; ça ressemble à un petit caddie muni d’un trépied, qui contient, pour leur randonnée, tout le nécessaire comme les outils et les sacs pour la récolte des échantillons. Conrad, arrivé au bord du cratère, jette un rocher dans celui-ci.

C’est une expérience qui comporte un but technique ; c’est de savoir si le sismomètre de la station ALSEP, déployé la veille près du LM, peut détecter le mouvement de la roche en train de dévaler la pente.

Résultat, le sismomètre reste muet et il enregistrait pourtant bien les pas des astronautes près du LM !

Toujours au bord du cratère précité, les empreintes de leur bottes révèlent juste sous la surface la présence d’une couche d’un matériau clair. Il y a de fortes présomptions pour que ce matériau, qui date de seulement « 810 millions d’années », corresponde à un éjecta du cratère Copernic (découverte importante).

Alan BEAN devant le cratère HEAD

Bon, il n’y a pas que ça à faire, les minutes sont comptées. Les deux hommes continuent leur randonnée en visitant le cratère Bench, qui a excavé des roches situées sous la couche de régolite. Vient ensuite le cratère Sharp au point le plus éloigné du LM (à plus de 400 m). Difficile de trouver ce cratère… Et puis ils recherchent le cratère Halo sans succès.

La navigation avec leur carte est loin d’être aisée ! Vue d’en haut, tous les cratères lunaires se ressemblent. Mais depuis sa surface, c’est pire !

On collecte des roches et on se dirige vers le cratère Surveyor qui possède en son flanc la sonde venue d’un autre monde. Pour la première fois (et jusqu’à aujourd’hui, la seule), des hommes rendent visite à un artéfact humain qui les a précédés sur un autre monde.

Les 3 façons de concevoir si l’exploration spatiale par la NASA sont réunies :

  • On observe d’autres mondes
  • On envoie un robot sur un autre monde
  • L’homme rejoint le robot sur place

Ils s’approchent de la sonde et sont surpris ?! La sonde a changé de couleur : une partie de la carlingue est passée du blanc à l’ocre brun !

Oh, mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? Sur Terre, après avoir reçu la nouvelle, les cellules grises sont en pleine activité. Des rayons ultraviolets alliés à l’intense contraste thermique entre le jour (+106°) et la nuit (-183°) pourraient « caraméliser » le revêtement de l’engin ? Dans ce cas, cela signifierait que les conditions du vide spatial sont bien plus rigoureuses que prévues avec, peut-être des conséquences sur la longévité des engins placés dans l’espace !

Nos deux compères ont des instructions. On leur a demandé de démonter certaines parties de la machine pour les ramener sur Terre. C’est à ce moment qu’un indice apparaît suggérant une autre hypothèse qui s’avère la bonne ! Certaines parties cachées derrière les pièces qu’ils démontent sont restées parfaitement blanches ! D’ailleurs, la sonde semble n’avoir « bruni » que du côté du LM ?!

Explication : la tuyère du LM a soulevé des grains de poussière et ont été projetés comme autant de microscopiques balles de fusil. Et oui, il n’y a pas d’atmosphère sur la Lune et il n’y a, de ce fait, pas d’air pour freiner ces éjectats ! La sonde est littéralement passée à la sableuse…..euh pardon…..à la régolitheuse !

Vous le savez maintenant, on se marre plus avec l’équipage d’Apollo 12 qu’avec ceux d’Apollo 11 qui ne faisaient que se tolérer !

Conrad et Bean décident de préparer une petite farce pour les ingénieurs qui développeront les photos de la mission. Au milieu de centaines de clichés, ils veulent leur faire découvrir une image où tous les deux posent côte à côte devant la sonde automatique, suggérant ainsi que, tout en touristes qu’ils sont, ils ont demandé à un autochtone de la Lune de prendre la photo pour eux !

Bean a embarqué clandestinement un petit retardateur photo mais malheureusement, il n’arrivera pas à le retrouver et donc pas photos en duo ! Ils poseront donc séparément aux côtés de la sonde avant d’en prélever des morceaux : un câble, un tube peint et un autre en aluminium, la caméra TV ainsi que la pelle au bout du bras mécanique.

Conrad aux côtés de la sonde Surveyor 3, le LM en arrière plan

L’excursion continue et au bout de 3 heures et cinquante quatres minutes, nos astronautes regagnent le LM. Sur ordre de Houston, Conrad et Bean doivent s’arrêter à mi-parcours pour se reposer, mais le Commandant a voulu ramasser un caillou sur le sol trop grand pour leur ramassoire munie d’un manche. Bean eut l’idée de tenir Conrad par son cordon de sécurité attaché à son sac à dos et de lui permettre ainsi de se pencher suffisamment en avant pour l’attraper. Conrad, visiblement enchanté : « Laisse-moi descendre, encore un peu plus… Bravo mon gars ! » et ils repartirent aussitôt.

Conrad, aura marché 7h45 sur la Lune, soit trois fois plus longtemps qu’Armstrong. Avec Bean, il aura parcouru près de 2 kilomètres. Juste avant de grimper l’échelle, Alan retrouve le fameux retardateur dans une de ses poches et, de rage, le jette au loin… oubliant par la même occasion sur le sol un sac contenant une bonne partie des pellicules photo de la mission, dont on n’aura pour cette raison que peu d’images !

Une ultime check-list avant le lancement et Conrad rassure encore une fois Bean à sa manière si particulière : « T’inquiète pas Beano. Si on reste coincé, on aura l’honneur d’être les premiers martyrs de la conquête lunaire. » (et Apollo 1, ça compte ?)

Le décollage se passe très bien et Alan Bean observe fasciné des anneaux de minuscules débris orange scintillants s’éloigner en cadence de l’engin. C’est le fin revêtement doré de l’étage de descente qui est pulvérisé par les gazs de propulsion. Bean, toujours lui, ressent l’ascension comme une montée en ascenseur rapide, silencieuse et contrôlée.

La remontée jusqu’au CSM se déroule sans encombres ainsi que l’arrimage. Les marcheurs lunaires frappent au sas fermé du tunnel d’accès. « C’est qui ? », répond Dick Gordon. Intrepid rencontre à nouveau Yankee Clipper.

Lorsqu’il ouvre le sas et découvre ses deux amis couverts de poussière de la tête aux pieds, il leur ordonne de se déshabiller entièrement. Alan et Pete entrent donc dans le module de commande dans la tenue avec laquelle ils sont venus au monde.

Le voyage retour est aussi agréable que celui de l’aller et est agrémenté par un spectacle unique, jamais vu par un autre être humain : une éclipse de soleil engendrée non pas par la lune mais par le passage de la terre devant l’astre du jour.

le CSM reste une journée en orbite lunaire pour un programme de photographies de la surface lunaire, en particulier pour sélectionner et affiner la cartographie de certains sites d’alunissage en vue des missions suivantes. Puis on quitte l’orbite et direction la Terre. Le CM débarrassé du SM avant l’entrée dans l’atmosphère terrestre amerrit dans l’océan pacifique le 24 Novembre à 20h58.

Ils rapportent 34,3 kg d’échantillons de roches et de sols (avec Apollo 11, on atteint un total de 55,9 kg). Verdict, après étude de ces échantillons, il s’avère que la mise place des mers lunaires ne s’est pas faite lors d’un seul épisode volcanique global mais qu’elle fut étalée dans le temps.

Autre découverte, selon l’étude de ces roches rapportées, la formation de la croûte lunaire s’est vraisemblablement formée à partir d’un océan global de magma.

Cet examen montre aussi comment cette croûte fut ensuite affectée par les grands impacts qui formèrent les bassins lunaires. Un résultat important qui sera confirmé grâce aux analyses des roches ramenées du site de FRA MAURO, situé 180 km plus à l’est, par les astronautes d’Apollo 14.

Mais tout ceci fera l’objet d’un autre récit si les écrits de notre ami Didier vous plaisent…